Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Qu'il s'agisse de l'alinéa premier ou troisième de l'article 49, rarement une procédure aura été aussi décriée, fantasmée et même connue de l'ensemble de nos concitoyens – un micro-trottoir pourrait le démontrer.

Il s'agit du mécanisme d'une rationalisation, peut-être poussée à l'extrême, mais qui a permis à la République, depuis 1958, de s'affirmer et de traverser bien des vicissitudes. En 1958, en pleine guerre d'Algérie, la IVe République était celle du « gouvernement à secousses », disait Edgar Faure – vingt-quatre gouvernements en douze ans –, un régime en réalité aux mains des partis. Il fallait donner de la stabilité non seulement aux institutions, mais surtout à la République. C'est ce qu'a tenté de faire la Ve République.

Certes, c'est une république très rationalisée, dont on dénonce certains blocages par moments, mais en réalité, cette vieille dame de 65 ans est le plus long régime politique depuis la Révolution française. Grâce à la Ve République, et parfois ses excès, on a pu gérer la fin de la guerre d'Algérie, l'alternance, la crise de mai 1968 et inventer la cohabitation – un régime qui n'aurait pas été envisageable avec d'autres institutions.

Même si nous dénonçons parfois des fonctionnements chaotiques, nous avons aujourd'hui une République qui tient dans un monde tourmenté, malgré la guerre en Ukraine et des chiffres budgétaires alarmants. Le 49.3 n'y est pas nécessairement pour grand-chose, c'est plutôt la capacité des gouvernants à proposer des alternatives politiques crédibles.

Revenons à l'esprit de la Ve République, ou bien préférons-nous le chaos ? Une république ingouvernable ? En réalité, derrière la révision de l'article 49 se cache une remise à plat de la République, et carrément une VIe République.

On peut pointer les excès de ce 49.3, utilisé vingt-trois fois par le gouvernement d'Élisabeth Borne, mais on est loin du record de Michel Rocard, qui y a eu recours vingt-huit fois ! Cela a quand même permis au pays d'avancer.

On peut évidemment s'élever contre le 49.1 et le 49.3, mais en réalité, la question est plutôt de savoir si le Parlement est capable de déposer une motion de censure, et surtout de la voter. Si aucune motion de censure n'a été votée jusqu'à présent, c'est parce qu'il n'y a pas de majorité alternative. Je le regrette, étant dans l'opposition. Au lieu d'accuser nos institutions, interrogeons-nous sur nos propres forces politiques et sur ce qu'attendent nos concitoyens.

Plutôt que de tirer sur l'ambulance, révisons éventuellement nos institutions, mais faisons-le globalement et pas par petites touches illusoires.

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