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Intervention de Xavier Niel

Réunion du jeudi 21 mars 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Xavier Niel, président de NJJ Médias :

Je suis heureux de répondre à votre invitation, même si je ne suis pas un acteur de la TNT. Je déclare que je possède, je crois, 1 000 actions du groupe M6.

Même si j'investis dans des milliers de startups, les télécommunications sont mon métier au quotidien. À ce titre, NJJ Médias entretient des relations régulières et fréquentes avec les éditeurs des chaînes de la TNT. Ces relations sont dures et peuvent donner lieu à des disputes, mais nous finissons généralement par trouver un équilibre, car nous avons besoin des chaînes et qu'elles ont besoin de nos canaux de diffusion – des réseaux filaires dont le poids, dans la diffusion de ces chaînes, s'accroît année après année.

Nous avons toujours pensé que les signaux linéaires de la TNT devraient faire l'objet d'une obligation de distribution sans rémunération sur les réseaux filaires, et nous nous sommes battus pour cela. On peut supposer que les chaînes gratuites souhaitent une audience maximale, mais il n'en a pas toujours été ainsi, ce qui a pu occasionner dans leur histoire des coupures du fait des opérateurs de télécommunications – en particulier de notre fait, puisque nous avons interrompu pendant un temps la diffusion de chaînes comme BFM TV notamment.

Il faut en même temps s'assurer que les opérateurs de télécommunications ne subissent pas plus d'obligations de distribution que les téléviseurs connectés ou Smart TV et les applications. Notre pays a parfois envie de sur-réguler ce qui est local et, généralement, fonctionne, au profit de ce qui est ailleurs, n'est pas régulé, et fonctionne parfois encore mieux que nous.

Je ne suis pas un acteur de la TNT, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. On n'a pas voulu de moi. Nous avons souhaité racheter M6 à deux reprises, parce que nous pensons que la télévision linéaire classique peut avoir de l'avenir, mais que malheureusement, les chaînes ne se renouvellent pas. Comme nous n'y sommes pas parvenus, nous avons déposé une candidature pour l'attribution d'une fréquence de la TNT sur laquelle lancer la chaîne SIX.

Notre projet était simple : faire passer les gens avant l'argent. En effet, à côté du niveau de rentabilité des chaînes françaises, notamment M6, le secteur du luxe devrait rougir : M6 est la chaîne la plus rentable d'Europe ! Elle a choisi son combat : faire de l'argent, peut-être pas toujours dans l'intérêt principal du téléspectateur.

Notre vision n'était pas la même. Nous avions le projet de créer une chaîne généraliste, en nous engageant en faveur de beaucoup de création patrimoniale – M6 investit peu – et d'information. Ses émissions à l'heure de grande écoute ou prime time n'auraient jamais commencé après vingt et une heures, puisque l'intérêt du téléspectateur est de pouvoir visionner ses programmes à une heure fixe et non d'attendre la fin de couloirs publicitaires. Nous avions reçu un très bon accueil des professionnels de la production et de la musique, puisque nous prenions des engagements d'investissement forts, formulés en valeur absolue et non en pourcentage de chiffre d'affaires, ce qui leur garantissait des montants significatifs.

L'Arcom ne nous a pas découragés – je viens de croiser son président, qui m'a dit espérer que nous candidations à nouveau. Toutefois, elle n'a rien fait pour notre succès. La consultation publique a été très tardive et nous n'avons disposé, une fois connues les conditions, que d'un mois et demi pour rédiger un dossier de candidature. Un mois et demi pour occuper pendant dix ans, avec une extension possible de cinq ans, le canal 6 de la TNT, numérotation qui en fait l'un des plus importants ! Nous avons demandé à bénéficier d'un délai supplémentaire, qui nous a été refusé.

Après quoi, nous remettons notre dossier papier au régulateur, qui nous invite à une audition d'une heure et trente minutes, et voilà.

Ces mêmes fréquences que nous, opérateurs de télécommunications, achetons pour des centaines de millions d'euros, on peut donc les gagner ou les perdre sur le fondement d'un dossier papier rédigé à la volée en un mois et demi et d'une heure trente d'audition.

Deux semaines après l'audition, l'Arcom retenait le dossier de M6 alors qu'il était moins-disant en termes d'investissement dans la création, d'indépendance des rédactions, de confort des téléspectateurs, et j'en passe. J'ai entendu le président de l'Arcom Roch-Olivier Maistre vous indiquer que, la prochaine fois, cela ne se passerait pas comme cela, qu'il choisirait le meilleur dossier. J'en suis ravi. J'espère que ce ne sont pas que des paroles.

Le motif de tout cela était de garder ce qui existe déjà : c'est plus sûr que de choisir quelque chose de nouveau. D'ailleurs, l'attribution réelle du canal a eu lieu quelques jours avant la date obligatoire du renouvellement. Dans ces conditions, si nous avions été un nouvel entrant, l'intérêt du téléspectateur en aurait souffert, puisqu'il n'était pas possible de créer une chaîne en quelques jours ou quelques heures. Cet appel d'offres n'a donc pas été organisé pour permettre l'entrée d'un nouvel acteur.

Je pense que l'Arcom a « flippé ». Elle a eu peur de la nouveauté, du dialogue, et surtout de la compétition. Pourtant, il ne faut pas avoir peur de la compétition. Notre arrivée dans le secteur des télécommunications a rendu des dizaines de milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français. La nouveauté, l'innovation, l'autorisation d'accès accordée à de nouveaux entrants sont dans l'intérêt du téléspectateur.

Je pense que la procédure n'a jamais été pensée que comme un renouvellement des fréquences, afin de conserver les cinq acteurs historiques et d'empêcher la compétition. Si l'on veut du renouveau, il faut mieux organiser les conditions d'accès des nouveaux entrants aux fréquences. Surtout, il faut se parler, échanger, ne pas se contenter d'un papier et d'une audition : si l'on veut les meilleures conditions, il faut qu'il y ait plusieurs candidatures et qu'il soit possible de les mettre en compétition. Ce n'est pas en regardant des dossiers papier que l'on pourra améliorer l'offre ni assurer la meilleure utilisation possible du domaine public, pour le téléspectateur, pour la production et pour l'ensemble de la filière.

Pour l'appel d'offres en cours, il est trop tard, mais je pense que vous et nous pouvons en tirer de nombreuses leçons pour l'avenir.

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