Vous comprendrez que ma réponse soit prudente. Je peux néanmoins rappeler les règles, dont les groupes concernés par cette opération sont bien évidemment informés. Deux procédures vont cheminer en parallèle.
Les autorités de concurrence devront se prononcer. Compte tenu de la taille du groupe CMA CGM, les autorités bruxelloises de la Commission européenne seront sans doute saisies mais, dans la mesure où l'opération ne concerne à ma connaissance que le marché domestique, elles renverront probablement le dossier vers l'Autorité de la concurrence française. Celle-ci devra statuer sur le bien-fondé de l'opération au regard du code du commerce, en étant notamment vigilante au risque d'abus de position dominante. Un dialogue pourra s'instaurer le cas échéant entre nos deux autorités, qui travaillent ensemble de façon très étroite et échangent fréquemment, dans un climat de grande confiance.
La seconde procédure sera menée par l'Arcom : comme vous le savez, les changements de contrôle sont en effet soumis à l'agrément du régulateur sectoriel. Nous serons très probablement conduits, dans le cadre des règles fixées par l'article 42-3 de la loi de 1986, à réaliser une consultation publique, vraisemblablement suivie d'une étude d'impact. Nous examinerons ensuite, bien sûr, la conformité de l'opération aux règles sectorielles anticoncentration.
Les deux groupes ont été informés du fait que l'Autorité ne modifiera en rien le calendrier qu'elle s'est fixé dans le cadre de l'appel à candidatures pour les fréquences arrivant à échéance en 2025.
Vous savez que la règle des cinq ans a été adoptée à l'issue de la commission d'enquête sur les conditions d'octroi d'une autorisation d'émettre à la chaîne Numéro 23 et de sa vente. Le rapporteur en était M. Marcel Rogemont, que vous avez auditionné. Le dispositif adopté par le législateur est d'une double nature, à la fois réglementaire – rendant impossible le changement de contrôle dans les cinq ans suivant le renouvellement d'une autorisation – et fiscal. Ma conviction, c'est que la bonne réponse est fiscale et qu'elle consiste en une taxation réellement dissuasive, voire confiscatoire, de la plus-value. Cette réponse me semble préférable à la fixation d'un délai minimal de cinq ans.
Je comprends l'intention du législateur de l'époque, qui souhaitait éviter qu'un nouvel entrant n'adopte une logique spéculative. La situation est différente aujourd'hui avec des groupes historiques, inscrits de longue date dans le paysage audiovisuel et dont l'autorisation arrivant à échéance pourrait être renouvelée ou non.
Il me semble en outre que bloquer durablement un actionnaire au sein d'un groupe comporte de lourds inconvénients. La période actuelle est marquée par une concurrence effrénée et par la nécessité, pour les groupes, de redéfinir leur stratégie en conséquence. Or un actionnaire souhaitant se retirer ne peut pas porter pleinement un projet de management destiné à adapter l'entreprise. En ce sens, je comprends ce qui motive la proposition de loi que vous évoquiez, qui a été adoptée par le Sénat et dont je ne préjugerai pas du sort à l'Assemblée nationale.