En raison de votre expérience personnelle et professionnelle, vous avez un regard de praticienne, si vous me permettez l'expression. Nous ne sommes pas naïfs ; les situations sont très inégales. La réalité, c'est que la rupture conventionnelle est une forme de préretraite forcée. Et le retour à l'emploi est bien plus difficile pour les seniors, pour de nombreuses raisons. C'est pourquoi j'ai dit tout à l'heure que la réforme des retraites permettait de repousser l'horizon et de recréer de l'emploi. Certes, ce n'est pas la seule et unique solution, loin de là.
Il faut repenser la formation, je l'ai dit, parce que 10 % seulement des seniors sont formés – c'est dramatique ! D'ailleurs, s'agissant des seniors, vous parlez des plus de 45 ans, tandis que certains évoquent les plus de 55 ans et que d'autres considèrent qu'il faut s'intéresser à la question plus précocement encore. Il faut briser ce tabou et reconnaître que plus un salarié avance en âge au sein de l'entreprise, plus il apporte de richesse – ce n'est pas une question de coût. Il faut donc lutter contre cette discrimination – j'assume le mot – due à l'âge, qu'elle se traduise à l'embauche ou, parfois, à la sortie, au moyen d'un licenciement abusif.
Pour cela, nous pouvons saisir l'occasion donnée par l'un de vos collègues de la majorité présidentielle, Marc Ferracci, qui a fait adopter en première lecture à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques. Ce texte a légèrement évolué lors de son examen par le Sénat et reviendra avec certitude en commission mixte paritaire (CMP). Il permettra de réaliser davantage de testings et d'identifier les pratiques délictueuses, afin de contraindre ou de rappeler à l'ordre les entreprises qui recourent à une politique discriminatoire vis-à-vis des seniors – voilà, pour ce qui concerne l'aspect le plus ferme.
De l'autre côté, comment créer de l'employabilité ? Grâce à des emplois mieux accompagnés ou encore à une meilleure adaptation des postes. Nous savons qu'il existe de vraies difficultés de recrutement dans certains secteurs, parfois des secteurs d'avenir. Or quel est le trou dans la raquette ? C'est l'adaptabilité.
Les salariés devraient peut-être envisager une reconversion plus tôt dans leur carrière car malheureusement, une fois qu'ils sont cassés, ils sont condamnés à l'expérience d'un chômage de longue durée. Nous ne nous y résignons pas – vous non plus, je le sais. Trois leviers peuvent être actionnés : l'investissement dans la formation, la contrainte lorsque c'est nécessaire, et l'autodiagnostic pour favoriser l'évolution des représentations des seniors au sein des entreprises. Le Gouvernement sera au rendez-vous du dialogue social, même si les mesures dépendront aussi des retours des organisations patronales et syndicales attendus la semaine prochaine. J'aurais souhaité vous en dire plus, mais la ministre du travail, de la santé et des solidarités attend les conclusions des partenaires sociaux – vous le comprendrez.