Je vous remercie pour votre invitation. Mon angle sera quelque peu différent de celui des deux autres intervenants, mais dans la continuité de leurs propos.
En traitant de la réforme des retraites avant de s'occuper de la fin de carrière des seniors, on a pris le risque de compter davantage de retraités pauvres – qui ne percevront pas leur pension de retraite à taux plein – et de voir se multiplier les NER, les seniors ni en emploi, ni à la retraite.
Cela dit, à la CFE-CGC, nous pensons que le taux d'activité des seniors n'est rien d'autre que la résultante du travail qui a été fait – ou non – tout au long de la carrière. Il y a trois sujets principaux : la santé, sans qui on ne peut pas travailler, les compétences, qui doivent être mises à jour, et l'attractivité – la qualité du travail, la rémunération afférente, les conditions de travail.
En outre, à partir de 50 ans, les seniors subissent d'importantes discriminations. D'après un sondage de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), 67 % des CV de seniors sont directement mis à la poubelle par les DRH.
S'agissant de la question de la santé, les branches doivent identifier les métiers pénibles et proposer des reconversions adaptées, sans attendre que les gens soient usés. Le sujet est majeur, mais il dépend exclusivement de la volonté des branches, qu'on ne peut forcer à rien – c'est un angle mort de la législation. Tout dépend de la mutualisation entre acteurs de la même branche ; or les intérêts des petites et des grandes entreprises ne convergent pas.
La question des compétences et de la formation continue, notamment de la transition professionnelle, recouvre deux aspects : la reconversion, qui implique généralement de quitter l'entreprise, et la mise à niveau au sein de l'entreprise. Encore faut-il mettre des moyens suffisants sur la table ! Aujourd'hui, les financements consacrés à la transition professionnelle et à la formation continue ne sont pas à la hauteur des enjeux.
On recense 160 000 déclarations d'inaptitude par an – ce n'est pas toujours en lien avec un métier pénible. Le taux d'accidents au travail est l'un des plus élevés d'Europe, si ce n'est le plus élevé. Le développement de l'accidentologie et l'amélioration des conditions de travail sont primordiaux pour progresser sur ces sujets.
Dans notre pays, la capacité d'une personne âgée de plus de 50 ans à rebondir après une perte d'emploi est très faible. Seules 15 % des personnes de plus de 50 ans qui se retrouvent au chômage signent un CDI. C'est l'un des motifs de discrimination les plus courants dans le monde du travail. Le regard des gens est clair : comme l'a dit Yvan Ricordeau, on vous indique la porte et on vous fait sentir que vous êtes un boulet. Dans les sociétés préindustrielles, la vieillesse était considérée comme une source de sagesse ; il serait utile de revenir à cet état d'esprit.
Dans les pays où le taux d'activité des seniors est élevé – la Suède, les Pays-Bas –, le recours au temps partiel est courant. À la CFE-CGC, nous souhaitons que la retraite progressive devienne opposable. C'est un dispositif qui existe déjà et qui ne coûterait rien à l'entreprise, qui doit simplement accepter que certains de ses employés travaillent à temps partiel. Je ne vois pas comment on peut faire sans temps partiel, dans la mesure où plus les gens vieillissent, plus ils ont besoin de temps pour se « ressourcer » – d'autant plus que les rythmes sont de plus en plus intenses.
Il faut travailler sur ces différents volets : la santé, les compétences, la lutte contre les discriminations et l'aménagement des fins de carrière. Cela permettrait d'agir sur les flux – grâce aux reconversions, on prépare l'avenir en faisant en sorte qu'il y ait moins de gens usés à 45 ans –, mais aussi sur les stocks. Si on n'accompagne pas les personnes grâce à des dispositifs spécifiques en généralisant les retraites progressives, on se retrouvera avec des gens qui n'auront rien demandé et deviendront des NER, sans emploi ni retraite. Il y aura plus de retraités pauvres dans les années à venir.