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Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du vendredi 5 avril 2024 à 9h00
Place dans la société et dans le droit des familles monoparentales

Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles :

Je remercie le groupe GDR d'avoir inscrit à l'ordre du jour de cette semaine de contrôle un débat sur les familles monoparentales : ce sujet crucial est au cœur de l'actualité et je suis ravie, en tant que ministre déléguée à l'enfance, à la jeunesse et aux familles, de voir qu'il suscite tant d'engagement et d'intérêt. En témoignent la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des familles monoparentales, déposée par Pierre Dharréville, mais aussi les propositions de loi sur la défiscalisation de la pension alimentaire présentées par différents groupes de l'Assemblée et le travail des députés Philippe Brun et Sarah Legrain sur la création d'un statut de parent isolé. Cet intérêt est partagé par le Président de la République depuis le début de son premier quinquennat. Plus récemment, le Gouvernement a confié à votre collègue Fanta Berete et au sénateur Xavier Iacovelli la mission d'identifier les mesures qui permettraient de mieux accompagner les mamans solos et d'impliquer davantage le père ou le deuxième parent.

Les familles monoparentales sont une réalité incontournable de notre pays. Elles représentent une famille sur quatre et concernent un enfant sur cinq. La monoparentalité pose trois défis en particulier : celui de la pauvreté, parce que ces familles y sont particulièrement exposées – 33 % d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté – ; celui de l'égalité des chances, car 41 % des enfants de ces familles vivent au-dessous du seuil de pauvreté, contre 21 % de l'ensemble des enfants ; celui de l'égalité entre les femmes et les hommes, le parent isolé étant une femme dans plus de 80 % des cas, et une femme confrontée plus que les autres à la difficulté de concilier sa vie familiale et sa vie professionnelle.

Face à cette réalité, le Gouvernement a pris des mesures ambitieuses dès 2017 pour soutenir ces familles et faciliter leur quotidien. Sous le précédent quinquennat, une avancée majeure a été accomplie avec la création du service public des pensions alimentaires, en réponse à une demande exprimée lors du grand débat. Ce nouveau service permet d'assurer le versement des pensions alimentaires lorsqu'il fait défaut. Depuis octobre 2020, nous avons reçu pas moins de 136 000 demandes d'intermédiation financière, ce qui démontre l'ampleur du problème et l'urgence qu'il y avait à y répondre. Pour aller encore plus loin, le 1er janvier 2023, nous avons rendu automatique ce dispositif dès lors qu'une pension alimentaire est fixée. Cette mesure vise à garantir la sécurité financière des familles monoparentales en assurant le versement régulier des pensions alimentaires.

Nous avons également augmenté de 50 % l'allocation de soutien familial (ASF), passée de 123 à 184 euros par mois et par enfant. Cette allocation, qui correspond à la pension alimentaire minimale, bénéficie à plus de 1,3 million d'enfants et ne sera pas prise en compte dans le calcul du RSA. Nous renforçons ainsi le soutien aux familles monoparentales les plus vulnérables.

Nul ne peut nier que ces différentes mesures améliorent significativement les conditions de vie des familles monoparentales et réduisent les inégalités qui les menacent plus que d'autres, quoiqu'insuffisamment. Je suis consciente de la responsabilité qui m'incombe et de l'immense chantier qui nous attend pour accompagner ces enfants, ces jeunes, dont le potentiel est immense, et leurs familles vers un avenir meilleur. Permettez-moi donc de vous présenter ma feuille de route et mes priorités.

Tout d'abord, je souhaite accompagner la montée en puissance de l'Aripa. Nous ne pouvons tolérer que des familles se retrouvent dans des situations précaires en raison du non-versement des pensions alimentaires. Je veillerai à ce que cette agence dispose des ressources nécessaires pour remplir sa mission de manière efficace et équitable. Dans un monde où concilier vie professionnelle et vie familiale est une gageure pour chacun d'entre nous, les parents solos sont exposés à des défis encore plus complexes car ils disposent moins souvent de relais familiaux, amicaux ou de voisinage pour prendre en charge leurs enfants avant ou après l'école, pendant les petites et les grandes vacances. Afin de faciliter l'accès des familles monoparentales à un mode de garde, le complément de libre choix du mode de garde (CMG) sera étendu jusqu'aux 12 ans de l'enfant à compter du 1er septembre 2025 pour ces familles. Cette mesure vise à alléger leur fardeau financier et à leur offrir un soutien concret au quotidien.

Tel est également le sens du développement des crèches à vocation d'insertion professionnelle (Avip), que je souhaite accélérer. Je saisis cette occasion pour saluer le travail de la députée Marie-Pierre Rixain, qui a obtenu leur sanctuarisation dans la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle. Ces crèches jouent un rôle essentiel en proposant aux parents, en particulier aux mamans solos engagées dans un parcours d'insertion professionnelle, un accès rapide et facilité à une place pour leur enfant. Mon objectif est clair : d'ici à 2027, nous visons l'ouverture de 1 000 crèches Avip supplémentaires en métropole et dans les territoires d'outre-mer.

Les entreprises ont aussi un rôle à jouer pour mieux accompagner les salariés dans l'adaptation de leur temps de travail et dans la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie personnelle. Lorsqu'on est parent solo, les réunions tôt le matin, tard le soir, les imprévus et les jours de maladie sont plus difficiles à assumer : on doit s'organiser seul, parfois au prix de sa carrière. Au-delà de l'enjeu de l'efficacité au travail, la question du rôle social de l'entreprise est ici posée.

Outre les aspects financiers et d'organisation du travail propres à la situation des familles monoparentales, nous savons que la séparation fragilise les liens familiaux. Les enfants de parents séparés voient deux fois moins leur père que leur mère une fois adultes. Cette réalité doit nous interpeller. Je souhaite développer la politique d'accompagnement à la parentalité et la rendre plus accessible aux parents. Favoriser la coparentalité et garantir un environnement familial stable et équilibré, y compris en cas de séparation des parents, sont des objectifs de ma feuille de route, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Je l'ai dit en introduction, le Premier ministre a confié une mission à la députée Fanta Berete et au sénateur Xavier lacovelli afin d'améliorer les dispositifs d'aide aux familles monoparentales. Leur expertise et leur connaissance du terrain en font les meilleurs ambassadeurs de ces hommes et de ces femmes avec lesquels ils vont construire des solutions concrètes, pragmatiques et surtout adaptées aux besoins quotidiens des familles : accès aux droits et au logement, cohérence du système des prestations sociales, prise en compte de la résidence alternée, exercice réel de la coparentalité – autant d'enjeux que nous ne manquerons pas d'aborder dans quelques instants. Je suis convaincue que notre débat ouvrira de nouvelles pistes pour mieux accompagner les familles monoparentales. Mesdames et messieurs les députés, je suis à votre écoute !

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