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Intervention de Pierre Vatin

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2024 à 9h00
Protéger la population des risques liés aux pfas — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Vatin :

Avec cette proposition de loi sur les substances per- et polyfluoroalkylées, les Pfas, on peut dire qu'on revient de loin ! S'appuyant sur des engagements très allants mais un peu hâtifs de la majorité, les auteurs de ce texte avaient initialement proposé d'interdire tous les produits en contenant dès 2027, en avance sur le calendrier européen. Cette interdiction franco-française généralisée aurait tout simplement constitué une surtransposition par rapport aux intentions de nos partenaires, à l'image de ce que nous ne cessons de faire en matière d'agriculture. C'est avec ce genre de réglementation ne s'appliquant qu'à nos produits, alors même que nous continuons à en importer du monde entier, que l'on a fragilisé l'ensemble de la filière fruits et légumes.

Ne faisons pas la même erreur avec notre industrie. Ne soyons pas hypocrites : le contexte économique, en raison du coût de l'énergie, n'est pas idéal pour soumettre le secteur de la chimie à de nouvelles contraintes. Ce sont jusqu'à 3 milliards d'euros d'investissements par an et dix ans de recherches qu'il faudra déployer au niveau européen pour trouver des composés de substitution, alors même que l'État est aux abonnés absents pour ce qui est du soutien financier. La proposition de restriction initiée par cinq États européens nous semble donc le moyen le plus sûr d'aboutir à une régulation ordonnée des Pfas les plus nocifs, tout comme les divers règlements sectoriels qui seront adoptés au fur et à mesure par l'Union européenne dans les prochaines années. Un contrôle de l'ensemble des Pfas sera ainsi possible d'ici 2027 ou 2028 grâce à l'adoption de textes harmonisés au niveau européen, ce qui évitera toute distorsion de concurrence nuisible à la compétitivité de nos entreprises et de notre industrie.

La nouvelle rédaction proposée par le rapporteur nous paraît plus acceptable, puisqu'elle vise d'abord des produits disposant d'alternatives facilement mobilisables comme les cosmétiques, le fart pour le ski ou les textiles. Il reste cependant du chemin à faire pour rendre le texte acceptable. Je pense tout d'abord à l'interdiction prévue par l'article 1er pour les ustensiles de cuisine en 2026, sujet éminemment sensible pour l'activité et pour l'emploi. Prenons l'exemple de l'entreprise Seb, dont les salariés sont venus en nombre hier s'inquiéter devant l'Assemblée nationale de la pérennité de leurs usines et de leurs métiers : cette interdiction entraînerait une réduction de 70 % de son chiffre d'affaires et la disparition de 1 800 emplois directs. Non seulement nous n'abolirions pas les Pfas sur notre territoire, compte tenu des importations, mais ces marchés seraient récupérés par des groupes de pays voisins ou par les Chinois, qui ne seront pas soumis aux mêmes restrictions. Je rappelle aussi – ce n'est pas le moindre des paradoxes – que des exceptions sont déjà tolérées, notamment pour les composants nécessaires à la transition écologique. On n'a jamais entendu les écologistes s'en plaindre !

Il y a ensuite le sujet de la dangerosité de chaque substance et le risque d'aboutir à une interdiction généralisée des 10 000 Pfas au lieu de ne cibler que les seules substances préoccupantes. Le terme « Pfas » est un terme général qui ne dit pas si une substance est nocive ou non, mais qui indique seulement qu'elle comporte une liaison carbone-fluor. Contrairement à ce qu'affirme M. le rapporteur, le consensus scientifique tend à distinguer les Pfas préoccupants d'autres polymères. De nombreuses études existent à cet égard de par le monde. Enrichissons-les donc avant de prendre une décision à l'emporte-pièce. Les évolutions réglementaires que j'évoquais au niveau européen prévoient d'ailleurs de différencier ces substances. Mais si la rédaction actuelle de la proposition de loi était confirmée, la France serait le seul pays à pratiquer une telle surtransposition. Il s'agit pour nous, au groupe Les Républicains, d'une ligne rouge. En effet, l'analyse scientifique et la recherche doivent prévaloir, et des délais doivent être octroyés aux industriels pour entamer leur mutation, sous peine de ruiner l'économie et l'emploi de régions entières de notre pays.

Notre objectif est le même que le vôtre, monsieur le rapporteur, mais il s'agit pour nous d'aboutir à une régulation mesurée et différenciée des Pfas, alignée sur le calendrier européen et dans des délais raisonnables, sans omettre d'autres pistes de régulation tout aussi pertinentes. Je pense notamment à des systèmes d'autorisation substance par substance, usage par usage, et aussi à l'incitation que peut représenter une redevance sur la pollution ou bien à des arrêtés préfectoraux en cas de dépassement de seuil. Un accompagnement des pouvoirs publics serait par ailleurs vital pour encourager la recherche en matière de développement d'alternatives viables en cas d'interdiction.

Vous l'aurez compris, notre groupe ne pourra voter en faveur de ce texte que si des avancées sont obtenues sur les différents points que je viens d'évoquer.

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