Je suis ravi de pouvoir poursuivre notre discussion, monsieur le ministre, car vous avez avancé quelques éléments surprenants – ou pas, puisqu'ils relèvent du catéchisme le plus euro-libéral.
Vous expliquez d'abord que l'indépendance de la BCE la soustrait aux pressions politiques. Mais en quoi la monnaie, qui est un bien commun, devrait-elle être étrangère aux pressions politiques, c'est-à-dire à la démocratie ? La Banque centrale européenne pilote le crédit, donc le droit des personnes à accéder à un prêt, à s'endetter ou à investir – et vous voudriez que tout cela soit décidé on ne sait où, de manière adémocratique, par un aréopage technocrate, sans qu'on sache pourquoi ! Nous ne serons jamais d'accord avec vous sur ce point.
Vous indiquez aussi que la BCE n'agit pas par plaisir. Encore heureux ! En revanche, elle agit pour faire plaisir aux créanciers et aux actionnaires privés, ce qui n'est pas forcément mieux – c'est même sans doute pire. Vous expliquez que sa politique actuelle vise à casser l'inflation. C'est brillant ! Seulement, personne n'a constaté son efficacité : la remontée des taux n'a pas enrayé l'inflation, mais l'investissement et la croissance – qui parfois, c'est vrai, conduisent à l'inflation. Si vous vouliez stopper l'inflation, il y avait pourtant une solution simple : le blocage des prix. Vous auriez alors eu à la fois l'activité et la baisse des prix. À la place, vous avez choisi la baisse des prix par le chômage. Là encore, nous ne l'accepterons jamais.
Quant aux comptes de l'État, ils pâtissent fortement de la situation. Les créanciers, constatant que les taux remontent – de 0,5 % en juillet 2022, ils atteignent 4,5 % aujourd'hui – ont bien compris que l'heure est venue de sonner l'hallali : les taux d'intérêt exigés pour acheter des bons du trésor français, c'est-à-dire de la dette publique française, ont augmenté, à tel point que le remboursement des intérêts coûte 10 milliards d'euros de plus par an. Ça tombe bien : c'est la somme que M. Bruno Le Maire veut prendre de nos poches en liquidant le service public, en augmentant les impôts, en fermant des bureaux de poste, des hôpitaux, des écoles, etc. Dans le contexte actuel, cette question est donc cruciale.
Je vous le demande donc une nouvelle fois : comment comptez-vous faire en sorte que la BCE soutienne l'emploi et l'écologie et puisse enfin racheter de la dette publique française et européenne pour nous protéger des marchés financiers ?