En l'an 2000, la France était classée au premier rang mondial pour son système de soins. Vingt-quatre ans plus tard, notre pays a reculé de seize places. Pourquoi ? Pourquoi la santé de nos concitoyens est-elle moins bonne aujourd'hui qu'hier ? Parce que l'hôpital est malade de l'infection libérale et de la tarification à l'activité, qui l'a saigné, parce que le nombre de soignants formés n'est pas suffisant, parce que les moyens alloués à la santé ont considérablement reculé, mais aussi parce que l'État a abandonné l'ambition d'une stratégie globale en matière de prévention. Depuis vingt-cinq ans, l'adage « prévenir, c'est guérir » a été rangé au placard, au profit d'une politique de rationalisation budgétaire incompatible avec ce que devrait être une véritable politique de prévention.
La porte d'entrée de la politique de prévention, c'est avant tout la médecine de ville. Quand 6 millions de Français n'ont pas de médecin, c'est autant de personnes qui n'accèdent pas à la première étape de la politique de sensibilisation. Les dispensaires ont quasiment disparu ; la médecine du travail, malgré sa mission essentielle, est le parent pauvre du système ; la médecine scolaire est en carafe, comme l'atteste le nombre de médecins scolaires manquants ; je ne parlerai même pas des PMI, les services de protection maternelle et infantile, qui sont en difficulté dans plusieurs départements ; enfin, les associations mobilisent beaucoup d'énergie, souvent sans moyens fixes et durables. Cela ne veut pas dire que ces personnes ne font pas du bon boulot dans le cadre des contrats locaux de santé et des ateliers santé ville. Mais, de ministre en ministre, de quinquennat en quinquennat, on nous a expliqué qu'au fond, ce n'étaient pas les moyens en matière de politique sanitaire qui faisaient défaut, mais les réflexes individuels, ou encore l'organisation du système. Tout y est passé.
Monsieur le ministre, j'espère obtenir de votre part une réponse aux inquiétudes de l'association Asalée, qui œuvre dans le domaine de la prévention. Ce réseau rassemble près de 2 100 infirmières sur tout le territoire. Sa vocation est d'apporter un accompagnement thérapeutique préventif aux patients, dont une grande partie souffrent d'affections de longue durée. Ces infirmières du quotidien, qui sont souvent la porte d'entrée des patients les plus fragiles vers la prévention, sont aujourd'hui inquiètes pour leur avenir : refus de financer les bureaux, absence de convention avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), enveloppe globale de financement qui n'est pas à la hauteur… Si nous voulons une politique de prévention efficace, la situation de cette association mérite d'être reconnue.
La France souffre du sous-dimensionnement d'un grand nombre de politiques préventives, comme le dépistage du diabète : près de 700 000 personnes sont atteintes de diabète de type 2 sans le savoir. De même, les politiques de prévention du cancer et des addictions mériteraient des moyens plus importants.
Je veux terminer par le constat qui me semble le plus important : j'ai présidé un conseil de surveillance et un conseil territorial de santé, ce qui fait que je connais bien les outils territoriaux de la politique de santé, et il m'apparaît que l'ARS, l'agence régionale de santé, n'est pas armée pour accompagner correctement les élus des territoires, bien qu'elle soit composée de gens de bonne volonté.
De même, le mode de tarification ne prend pas en compte le temps passé par les médecins hospitaliers à prévenir plutôt qu'à guérir. Les hôpitaux le considèrent comme du temps perdu, puisqu'il n'est pas source de recettes ; c'est pourtant du temps gagné, s'il permet de mener une politique préventive efficace. La Cour des comptes elle-même l'écrit : « le mode de rémunération des soins primaires constitue un obstacle de taille au déploiement de la prévention ».
Vous l'aurez compris, il est impérieux de doter la France d'une véritable politique de santé préventive qui embrasse l'ensemble de ces sujets, y compris la santé environnementale, en s'appuyant sur l'intelligence des territoires et des élus et sur l'énergie des associations, qui manquent cruellement de moyens.