Mieux vaut prévenir que guérir : chacun connaît ce proverbe populaire. Malheureusement, la prévention est un maillon faible de notre politique de santé. En 2023, elle représentait seulement 2,3 % du budget du ministère de la santé ; si l'on cumule l'ensemble des dépenses, y compris celles des collectivités et des ménages, le taux atteint à peine 4 %, soit l'un des plus faibles d'Europe. Si l'on y regarde encore de plus près et qu'on zoome sur la santé-environnement, il est encore plus bas.
La semaine dernière, avec la ministre du travail, de la santé et des solidarités, j'ai visité le centre de ressources autisme du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours, qui est tout à fait excellent. En cette Journée mondiale de l'autisme, je voudrais évoquer un sujet qui a été complètement absent de nos discussions : celui des causes environnementales entraînant l'augmentation des cas d'autisme, à savoir les phtalates dans les sols, dans les jouets, et les polluants chimiques d'une façon générale.
Il y a urgence, tant la population est exposée à des agents pathogènes, à des substances toxiques, des polluants et des perturbateurs endocriniens. Nous aurons l'occasion d'en débattre ce jeudi, jour de la niche des écologistes, autour d'une proposition de loi qui vous invitera à faire un premier pas pour sortir des polluants éternels que sont les Pfas – substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées –, que M. Isaac-Sibille connaît parfaitement bien, puisqu'il est l'auteur d'un rapport sur le sujet.
L'OMS estime que 23 % des décès et 25 % des pathologies chroniques dans le monde peuvent être attribués à des facteurs environnementaux et comportementaux : qualité de l'air, de l'eau, de l'alimentation, mode de vie… Selon Santé publique France, la pollution de l'air cause à elle seule 48 000 décès prématurés par an.
En 2022, la cinquième limite planétaire a été officiellement dépassée avec les pollutions chimiques. La production de produits chimiques a été multipliée par cinquante depuis le début des années 1950 et pourrait encore tripler d'ici à 2050. Les coûts de la prise en charge des maladies d'origine environnementale sont élevés – pour celles qui sont reconnues. À titre d'exemple, le coût de l'élimination des pesticides dans l'eau en vue de produire de l'eau potable peut être estimé entre 440 000 euros et 1,48 million d'euros par jour.
Dans le domaine de la santé, une large part de l'intervention publique passe par le système de soins. On mise beaucoup sur le curatif, en oubliant d'interroger les modes de production et d'organisation du travail qui induisent le développement des maladies. Regardez les Pfas : 100 % de la population française est contaminée ! Même les ours polaires sont contaminés. Les effets de ces polluants nocifs pour notre santé sont connus. Le budget de la sécurité sociale risque d'exploser, mais le Gouvernement hésite encore à interdire dès maintenant la production de ces polluants éternels. Certains industriels jouent sur la peur de la perte d'emplois.
Les crises sanitaires nous ont rappelé qu'il existe un lien étroit entre la santé humaine, la santé animale et la santé de l'environnement. C'est ce que l'on appelle One Health, le concept d'une seule santé. Regardez ce qui se passe aux États-Unis : la grippe aviaire atteint désormais les bovins, et un être humain a été contaminé par cette maladie. La prévention santé-environnement est au cœur d'une approche unifiée de la santé publique et doit être renforcée de toute urgence. Cela appelle plusieurs changements.
D'abord, une loi de programmation fixant une stratégie nationale de prévention en santé intégrant l'atténuation du changement climatique, la réduction des pollutions anthropiques et la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles.
Ensuite, un meilleur pilotage ministériel – l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) propose une structure interministérielle dédiée – en articulation avec les collectivités, dont le rôle doit être renforcé et les compétences étendues pour intégrer la prévention. Les régions, qui s'occupent d'économie, de biodiversité et de santé, pourraient tout à fait travailler davantage aux côtés de l'État à l'élaboration et à l'application des plans régionaux santé environnement. Pour ce faire, il faudra leur allouer un budget concret.
Troisièmement, le développement d'initiatives visant à mieux informer les populations sur les risques et à les intégrer dans les processus de décision, par exemple par des actions de sensibilisation sur les perturbateurs endocriniens menées dans les lycées.
Quatrièmement, une meilleure évaluation avec des études épidémiologiques d'ampleur. Nous en réalisons trop peu en France, comparativement aux États-Unis. Je pense à l'étude Esteban sur les polluants environnementaux, dont ceux ayant des effets perturbateurs sur les glandes endocrines.
Cinquièmement, la transition vers une industrie réellement verte, tournée vers la protection de la santé des salariés. On sait à quel point les ouvriers des industries chimiques sont contaminés par les Pfas, mais aussi par d'autres polluants. Ils sont en première ligne.
Tout cela nécessitera des moyens financiers renforcés. Selon l'Igas, les dépenses annuelles des différents acteurs de la santé-environnement seraient légèrement supérieures à 6 milliards d'euros. C'est bien trop faible au regard des enjeux. Quand on peut prévenir, c'est une faiblesse que d'attendre pour agir. Agissez, agissons !