Chaque automne, nous nous retrouvons en effet pour adopter un projet de loi visant à financer nos politiques de santé – le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – sans jamais que le Gouvernement et le Parlement puissent exposer et confronter leurs visions de manière globale.
Depuis le vote de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, déclinant la stratégie Ma santé 2022 définie l'année précédente, l'hémicycle n'a pas connu de débat sur les priorités et sur les réformes structurelles à mener.
Pourtant, tous les cinq ans – durée portée à dix ans en 2023 –, le ministre valide un document élaboré par ses services, la stratégie nationale de santé (SNS), qui établit des priorités, fixe des objectifs et formule des propositions pour les atteindre. Mais la vision que traduit la SNS ne fait l'objet d'aucune discussion devant la représentation nationale. Celle-ci vote pourtant le budget censé la financer !
Je conseille à mes collègues de prendre connaissance de ce document, où figurent de nombreuses propositions intéressantes, comme la création d'un brevet de santé publique – que j'ai défendue – ou la formation de 300 000 secouristes en santé mentale. Nous ne discutons jamais des priorités de la stratégie nationale de santé, qui sont déclinées dans les PLFSS. Sa vision n'étant ni partagée ni validée, tous les acteurs de la santé sont inquiets pour leur devenir. Ils sont un peu désemparés, en manque de perspectives, et le système n'est plus contrôlé.
Quel est le constat ? En 1945, nos prédécesseurs ont promis aux Français de prendre en charge tous leurs besoins individuels de soins, quels que soient leurs comportements. Nous avons ainsi construit un des meilleurs systèmes de soins au monde, au détriment de l'aspect préventif.
Ce système, bâti sur un déséquilibre structurel entre le soin et la prévention, montre aujourd'hui ses limites. Des limites quant à ses résultats : si les Français vivent mieux, l'espérance de vie en bonne santé est faible et tend à se dégrader en raison de la forte augmentation des maladies chroniques. La France détient ainsi le triste record de la plus longue espérance de vie en mauvaise santé. Est-ce vraiment un bon résultat ? Des limites, aussi, quant à son organisation territoriale et quant à ses capacités à investir et à financer.
Malgré un bond de 25 % du budget de l'assurance maladie au cours des six dernières années, soit près de 50 milliards d'euros supplémentaires sur la période, personne n'est satisfait. Ni le monde de l'hôpital, qu'il soit public ou privé, ni les représentants de la médecine de ville, ni le secteur du médicament, ni les acteurs du médico-social, ni, surtout, nos concitoyens, qui sont inquiets, comme le montrent tous les sondages.
La raison de cette situation est que les soins ne représentent qu'une faible proportion – 20 % environ – de ce qui fait notre santé. Les 80 % restants résultent de déterminants qui sont pour une grande part liés aux bons comportements en matière de santé, ceux que l'on acquiert dès l'enfance et que l'on conserve tout au long de la vie. Des aspects socio-économiques et environnementaux entrent également en jeu, mais il nous est encore difficile de les prendre en compte en raison de notre approche individuelle de la santé.
Comment opérer le basculement du soin vers la prévention ? Nous proposons de réorienter notre système de santé afin de mettre en place, comme le pays a su le faire pour le soin, une politique systémique et industrielle de prévention. Il faut mener des actions généralisées de prévention et non un patchwork de mesures non visibles, dans l'objectif que les Français vivent plus longtemps en bonne santé.
C'est pourquoi il est nécessaire de déployer une vaste politique de prévention qui passe par la promotion de la santé, par l'éducation, par les vaccinations, par les dépistages et par le suivi thérapeutique, et qui concerne les Français de tous âges, en ciblant particulièrement les personnes les plus éloignées de ces dispositifs.
Cette politique doit se traduire non par des actions ponctuelles – ce que nous savons si bien faire –, mais par une prise en charge globale et désirable. La santé et la prévention doivent en effet devenir désirables. À cette fin, une politique de prévention a besoin d'un portage politique fort, soutenu et continu. Monsieur le ministre, en votre qualité de ministre délégué chargé de la santé, et désormais de la prévention, il vous revient de promouvoir cette politique publique.
Cette politique a besoin d'être discutée devant la représentation nationale. Nous le faisons cet après-midi, mais cela doit être systématisé à l'avenir. Comment nous prononcer sur un budget sans évoquer les objectifs ni les priorités ? Monsieur le ministre, pourquoi n'exposeriez-vous pas, avant l'examen du PLFSS, votre politique de santé et vos priorités ?
Cette politique de prévention a besoin d'objectifs clairement énoncés : l'aller vers, le bien-être lié aux comportements de santé, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé liées à certains déterminants,…