Monsieur le député Philippe Brun, je ne suis pas un procureur : je ne fais pas de réquisitoire. Les jugements sur la sincérité sont toujours dangereux. Porter une accusation sur la sincérité, c'est vraiment caractériser des manquements très graves. En l'occurrence, il ne s'agit absolument pas de cela : nous soulignons que le contexte est incertain et que la trajectoire peut être plus ambitieuse, mais nous ne nous prononçons en rien sur la sincérité du budget. Qu'on ne s'y méprenne pas. Le Haut Conseil n'est ni un juge, ni un acteur politique.
S'agissant de la croissance potentielle, nous estimons qu'elle demeure au-dessus du consensus : la prévision nous semble donc plutôt optimiste. Il demeure que la croissance potentielle doit être musclée. Nous devons tout faire pour l'augmenter. C'est une raison essentielle de mon plaidoyer pour le désendettement : plus nous aurons de ressources à affecter à de l'investissement, donc à de la bonne dépense publique, plus nous pourrons renforcer la croissance potentielle et la cohésion sociale, les deux allant de pair. Il y a des efforts à faire dans ce pays en faveur de la transition écologique, de la transition numérique, de l'innovation, de la recherche, de la santé – et je ne suis pas exhaustif. Mais, pour pouvoir investir, nous devons nous libérer du carcan de la dette, qui peut nous étrangler.
Nous ne sommes pas non plus une agence de notation, et nous ne sommes pas en train de pousser je ne sais quel cri d'alarme : ce n'est pas notre rôle. Le jugement que nous portons sur la dette française est qu'elle est tout à fait soutenable, mais qu'elle n'en est pas moins trop élevée au regard des marges de manœuvre dont nous avons besoin pour investir. Plus la charge augmente, moins nous aurons de marges de manœuvre.
La hausse des taux d'intérêt de la BCE ainsi que l'inflation conduisent à une hausse de la charge de la dette de 12 milliards d'euros en 2022, qui passe ainsi de 35 à 47 milliards. L'essentiel des emprunts étant contractés à long terme, ce sont les taux à long terme qui constituent le principal risque ; or ils ont déjà augmenté et cela commence à se voir dans la charge de la dette. En 2023, l'impact sera limité mais, à long terme, sur dix ans, cela représentera une hausse de 70 milliards d'euros si les taux se maintiennent à leur niveau actuel, sans monter davantage. On voit là encore toutes les conséquences d'un niveau de dette élevé et la nécessité de le faire baisser.
Les prévisions sur les taux d'intérêt sont très incertaines. Le Gouvernement prévoit une remontée limitée, avec une inflation qui retrouverait la cible de la BCE dès 2026, soit une combinaison d'hypothèses quelque peu surprenante. Le service de la dette va probablement augmenter, et peut-être plus que ce que prévoit le Gouvernement, mais nous n'en sommes absolument pas aux 100 milliards d'euros dont parlent certains. Il faudrait pour cela que la dépense explose et que les taux atteignent des niveaux invraisemblables ; le contexte serait tout autre. Mais il convient tout de même de maîtriser la dette : tel est mon message.
J'en viens aux OATi. La part des recettes indexées est supérieure au poids des OATi. Par un mécanisme stabilisant, les dépenses d'OATi baissent lorsque les recettes diminuent également. La Cour a remis, en février dernier, un rapport sur la gestion de la dette publique et l'efficience du financement de l'État par l'Agence France Trésor qui portait une appréciation plutôt positive. Les obligations indexées sur l'inflation pèsent inévitablement sur la charge de la dette ; néanmoins nous avons mesuré ce poids et il est moins élevé que dans d'autres pays. Globalement, la dette publique est plutôt bien gérée dans notre pays par l'Agence France Trésor, même si des améliorations peuvent toujours être apportées.
Monsieur Mauvieux, les députés ne sont pas obligés de s'accorder sur le projet de loi de programmation des finances publiques. En revanche, l'absence d'une telle loi poserait problème. Elle est nécessaire au bon déroulement du processus d'adoption des lois de finances, à l'information des autorités européennes, à la crédibilité de notre pays. C'est une ancre dont nous avons besoin. Qu'il y ait débat, je le conçois mais je le répète avec force, l'absence de LPFP ne serait pas anodine – jusqu'à quel point, je ne peux pas le dire et ce n'est pas à moi de le faire.
Monsieur Bompard, vous avez évoqué un quinquennat d'austérité. Je vous rappelle tout de même que les dépenses publiques initiales représentent 57,6 % du PIB, soit le niveau le plus élevé de toute l'OCDE.