Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Commentant les éléments macroéconomiques que vous portez à notre connaissance, comme vous l'aviez déjà fait à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificative, vous dites, non sans un certain sens de la litote, que les prévisions du Gouvernement vous paraissent optimistes, avec les conséquences qu'on peut imaginer sur l'élaboration du budget. Je vous remercie pour ces observations. Vos prévisions de cet été, à l'instar de celles du FMI, étaient plus réalistes que celles du Gouvernement dans son programme de stabilité. Depuis, ce dernier a d'ailleurs revu, à la baisse, ses estimations de croissance et, à la hausse, ses prévisions d'inflation.

Cela dit, j'aimerais engager avec vous un débat politique. Vous êtes dans votre rôle en relevant que le PLF et le PLFSS ne conduisent pas au redressement des comptes publics, avec un déficit autour de 3 % en 2027, mais vous avez aussi évoqué la nécessité de dégager des moyens pour la transition écologique, la santé, l'éducation. J'ai tendance à penser que plus on retarde les investissements nécessaires dans ces domaines, plus les différentes crises et situations d'urgence coûteront cher à l'État et à la collectivité. Pourtant, le Gouvernement assume et revendique le maintien d'une politique d'offre et de compétitivité. Hors inflation, la croissance des dépenses publiques proposée par le Gouvernement sera de 0,7 %, soit un niveau bien inférieur à la croissance tendancielle des dépenses, qui est de 1,35 % d'après Bercy même, et surtout inférieur à ce qui se faisait depuis une dizaine d'années – cette augmentation était en moyenne de 2 % sous François Hollande, et de 1 %, hors crise sanitaire, sous le premier mandat d'Emmanuel Macron. Et malgré cette baisse, eu égard à la situation économique, on sera loin du compte.

Dès lors, ne doit-on pas changer de paradigme ? La Banque de France et d'autres organismes évoquent un risque de récession aux niveaux national et international. Je rappelle que s'il n'y a pas eu de récession en France entre 2008 et 2012, ce n'est pas grâce au marché privé, qui était en décroissance, mais aux dépenses publiques, lesquelles sont aussi des recettes. Ne doit-on pas considérer les dépenses publiques, qui sont un investissement, qui font fonctionner la machine économique, qui rapportent des cotisations, comme un apport à l'économie qui est de nature à contrarier la récession ?

Dans une interview donnée au Point, vous dites fort justement que nous ne pouvons pas compter sur une croissance forte pour rétablir les finances publiques. Je suis d'accord avec vous. On peut d'ailleurs se demander si la croissance pour la croissance est nécessaire. Quoi qu'il en soit, il y a des gens qui voient croître leur richesse : chaque année, les dividendes et les profits explosent. Cela ne pose-t-il pas la question du partage des richesses en faveur des revenus du travail, qui produisent des cotisations – vous avez vous-même remarqué que le déficit de la sécurité sociale a été moins important que prévu grâce à l'augmentation de la masse salariale – et qui génèrent des ressources pour l'État ?

Vous dites aussi que tout euro de plus affecté à la charge de la dette est un euro en moins pour la transition écologique, la transition énergétique, la transition numérique et l'éducation. J'observe pour ma part que la charge de la dette est à peu près équivalente à la baisse annuelle des impôts des cinq dernières années. Ne pourrait-on donc pas dire la même chose de tout euro de plus affecté à la baisse de la fiscalité, d'autant plus si elle profite aux entreprises, sans conditions, par exemple avec la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ou aux plus riches de notre pays ? Cela n'entre pas en compte dans votre analyse. Que pensez-vous du fait que, en 2023, on continue à réduire le montant de la CVAE, à hauteur de 4 milliards d'euros, ce qui automatiquement pèsera sur le déficit ? Hier, le gouverneur de la Banque de France, s'il n'a certes pas acquiescé à toutes mes propositions économiques, s'est du moins clairement interrogé sur cette question des dépenses fiscales.

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