Madame Judith Godrèche, merci d'avoir apporté votre témoignage après celles qui sont venues avant vous – dont notamment Adèle Haenel.
En vous entendant, je pense au poème « Héritage » de Rupi Kaur : « je suis debout / au-dessus des sacrifices / d'un million de femmes avant moi / me disant / que puis-je faire / pour rendre cette montagne plus haute / pour que les femmes après moi / puissent voir plus loin ».
Merci d'avoir rendu notre montagne plus haute en osant parler publiquement.
Si nos deux délégations vous entendent conjointement, c'est bien parce qu'il y a un lien entre les droits des femmes et ceux des enfants. Ils subissent partout la même domination, la même violence et le même contrôle sur leur corps. Dans le cinéma comme ailleurs, c'est un système, c'est notre société et notre responsabilité collective. La spécificité du cinéma est d'être un miroir de nos cultures et une loupe grossissante de nos représentations.
Depuis vos prises de parole ces dernières semaines, sentez-vous que l'industrie du cinéma est prête à bouger et à se remettre enfin en question ?
Vous avez parlé de révolte et nous pouvons légitimement nous révolter, pour faire respecter nos droits, dont celui d'exister librement, sans peur et sans contrôle. Depuis #MeToo, j'ai le sentiment que la parole a enfin été entendue mais que le grand chamboulement que nous attendions n'est pas arrivé.
Sommes-nous sur le point de le voir s'opérer ? Ne sommes-nous pas à la deuxième phase de #MeToo ? Après l'écoute, l'heure n'est-elle pas à l'action ? Une action qui doit être menée de manière systémique par le Gouvernement, en y mettant les moyens nécessaires, pour que plus aucune femme ou homme, plus aucune petite fille ou petit garçon n'ait à se dire qu'il lui faudrait une deuxième vie pour pouvoir la vivre librement et que notre société l'a abandonné.
Enfin, comme vous êtes, vous aussi poursuivie pour diffamation, je souhaite que nous ayons une pensée pour les militants et militantes féministes, notamment pour Alice Coffin et Raphaëlle Rémy-Leleu qui, en ce moment même, comparaissent devant la 17e chambre du tribunal judiciaire pour diffamation dans l'affaire Christophe Girard. À défaut de pouvoir les accompagner, nous pouvons leur envoyer une pensée de soutien.