Madame Judith Godrèche, je voudrais d'abord vous dire merci pour les petites filles, merci pour les punks, merci pour le petit chaperon rouge, merci surtout pour votre courage, qui nous donnera, je l'espère, celui de tourner la page de ce vieux monde qui n'en finit pas de finir. J'avais douze ans, comme Charlotte Gainsbourg, à la sortie de Lemon Incest – je n'ai jamais trop aimé cette chanson que tout le monde trouvait si délicieusement transgressive, mais j'ai encore le vinyle à la maison. J'avais dix-sept ans, comme Vanessa Paradis, à la sortie de Noce blanche, film de Jean-Claude Brisseau qui raconte les amours de Mathilde – Vanessa Paradis, seize ans au moment du tournage – et de son prof de philo, joué par un Bruno Cremer de soixante ans. Je me rappelle à ma grande honte avoir adoré le film. Nous avons grandi dans ce monde-là, où une petite fille appelée Jeanne, qui aura cinquante ans le mois prochain, pouvait chanter à pleine voix, avec des adultes, qui n'y trouvaient pas malice, Jeanneton prend sa faucille, une histoire rigolote de viol en réunion, dans laquelle « les hommes sont des cochons » et « les femmes aiment les cochons. »
J'avais des dizaines de questions, j'en ai retenu deux, et une requête. Voici la première. Jacques Doillon porte plainte contre vous pour diffamation. Il s'agit là d'une énième procédure bâillon, arme habituelle des agresseurs dont on a pu mesurer la terrible efficacité lors de l'affaire Johny Depp contre Amber Heard, même si chez nous la procédure ne finit pas toujours bien pour le plaignant. Une récente tribune appelle à légiférer sur le modèle des lois anti-Slapp (contre les poursuites abusives ciblant les voix critiques) états-uniennes ou canadiennes. Pouvez-vous nous donner votre avis à ce sujet ?
Deuxième question : vous avez indiqué lors de votre audition au Sénat que la ministre de la culture vous avait transmis une invitation du Président de la République, mais que cette rencontre n'avait pas eu lieu. Depuis lors, Emmanuel Macron vous a-t-il reçue ? Si oui, était-ce pour une photo ou pour une vraie conversation ?
Enfin la requête : lors de cette même audition, vous avez déploré la décision de retirer Édouard Durand de la tête de la Ciivise Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants pour la laisser « s'échoir sur le sable, mort-née ». Nous sommes nombreux à penser que le juge Durand doit reprendre la direction désormais vacante de cette commission indépendante. Pouvez-vous nous aider à en convaincre le Président et sa nouvelle ministre déléguée, chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles ?