Je remercie l'ensemble des groupes qui soutiennent la proposition de loi. Je ne doute pas que j'arriverai à convaincre le groupe GDR que l'interdiction des nouveaux projets est indispensable, sans exception. En ce qui concerne les autres groupes, je regrette que les déclarations d'intentions soient immédiatement suivies d'un discours du laisser-faire : on constate qu'il faut agir, mais on ne fait rien. Nous connaissons les effets des énergies fossiles, de leur production et de leur combustion depuis 1965, et depuis cette date – cela fait soixante ans –, nous poursuivons la politique du laisser-faire. Cela nous conduit à un monde à plus 4 °C ; cela doit s'arrêter aujourd'hui.
J'aurais bien évidemment accueilli favorablement des amendements de la majorité introduisant des exceptions pour le financement de l'hydrogène vert ou de tout type d'énergie renouvelable ; malheureusement, il n'y en a aucun. Je vous invite à travailler sur ce sujet si vous le souhaitez. En revanche, je rappelle que l'hydrogène étant actuellement majoritairement brun, il ne peut être totalement exclu du dispositif.
Concernant le financement des activités renouvelables par des majors du fossile, il existe, mais dans des proportions trop marginales par rapport au reste de leur portefeuille. Total, par exemple, investit trois fois plus dans les fossiles que dans les énergies renouvelables. Quand on fait 20 milliards de profits, on peut en prendre une partie pour financer des activités renouvelables.
Pourquoi légiférer au niveau national ? D'abord, ne sous-estimez pas la force des banques françaises. Entre 2016 et 2022, BNP occupait la onzième place du classement mondial des financeurs des énergies fossiles, la Société générale la vingt et unième et le Crédit agricole la vingt-troisième. Nos acteurs financiers et bancaires sont importants, ils ont donc une responsabilité et une capacité d'entraînement importantes.
Ensuite, ne négligez pas le risque réputationnel. Un nombre grandissant de clients individuels, mais aussi d'institutions, demandent à leur banque de sortir des énergies fossiles, ce qui incite des banques, en France et ailleurs, à engager, certes minimalement, la transition. Ainsi, la banque britannique Barclays a dû commencer à réfléchir à ses investissements fossiles à la demande de l'université de Cambridge. De plus en plus d'acteurs s'aperçoivent que l'on ne peut pas continuer à financer des activités qui nous mettent en péril.
Enfin, je vous invite, si ce n'est déjà fait, à lire The Green Swan, dont les auteurs, pour certains issus des banques centrales elles-mêmes, soulignent que celles-ci ne peuvent céder à la demande croissante qui leur est faite de se substituer aux interventions des gouvernements. Nous avons une souveraineté et une capacité à décider. Nous ne pouvons pas laisser les acteurs européens que sont les banques centrales se charger des choix politiques : ceux-ci doivent être faits ici.
Vous voyez dans cette proposition de loi une limitation ; j'y vois un renforcement de nos acteurs financiers et une source de protection.
Je ne sais pas si vous disposez des chiffres de l'exposition des banques aux énergies fossiles dans l'ensemble de leurs secteurs d'activité – encours de prêts, prêts aux énergies, prêts corporate, émissions d'obligations, asset management, activité assurantielle. Pour notre part, nous avons rencontré l'AMF, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la direction générale du Trésor ; personne ne m'a donné ces chiffres. Et quand nous en avons, ils proviennent de modèles internes aux banques. Nous appelons à davantage de transparence et espérons que le prochain rapport commun de l'ACPR et de l'AMF nous procurera des données plus consolidées. Je crois d'ailleurs qu'elles ont avancé dans ce travail, ce qui est une très bonne chose.
Les écologistes sont pour la sortie du charbon. Je sais que le Rassemblement national est obsédé par l'Allemagne et par la défense du charbon ; c'est bien normal, puisque ses collègues européens de l'AfD font campagne pour que le charbon soit utilisé sans limite en Allemagne. Nous pouvons compter sur l'extrême droite pour maintenir notre dépendance aux énergies fossiles !
Cette proposition de loi est un texte de conviction : la conviction que notre modèle économique ne peut et ne doit pas contrer les limites planétaires et que la réalité du réchauffement climatique doit être réellement prise en compte dans notre économie. Cette conviction, vous n'êtes pas obligés de la partager. En revanche, je n'ai entendu aucune réponse tenant compte des données chiffrées qui montrent que le risque climatique, qu'on le veuille ou non, aura des effets colossaux sur nos économies. On parle d'une perte de 23 % de PIB d'ici à 2100, de secteurs entiers qui ne seront plus viables. Et ce ne sont pas seulement des sources écologistes, certes très solides, qui le disent, mais aussi des acteurs bancaires importants ayant travaillé à la Banque de France et à la Banque centrale européenne, que vous devriez être enclins à écouter.
Vous vous inquiétez des encours de prêts. On sait qu'augmenter les coussins climatiques ne réduira pas la capacité à prêter. En revanche, les risques climatiques physiques sont concrets et vont commencer d'être évalués. Comment pourra-t-on souscrire une assurance quand on habitera dans le Nord-Pas-de-Calais ou sur un trait de côte ? Comment pourra-t-on emprunter pour financer des activités jugées à risque du point de vue climatique ? C'est si nous ne nous saisissons pas du sujet, si nous n'accompagnons pas les banques pour qu'elles se renforcent face à ce risque, qu'il y aura des difficultés en matière de prêts.
Je vous invite à travailler sur les amendements afin que nous puissions adopter le texte.