Les travaux de la commission d'enquête du Sénat m'en ont convaincu tant les arguments des capitaines d'industrie ou financiers qui possèdent les médias en France étaient contradictoires. À la question sur son intérêt pour la presse, Bernard Arnault nous a répondu qu'il était un bon patriote et qu'il aidait un secteur en difficulté parce qu'il en avait les moyens, mais qu'autrement, il n'était pas demandeur . Hier, vous avez entendu Vincent Bolloré vous dire que Bernard Arnault rêvait de Paris Match, qui n'est pas en mauvaise santé, c'est pourquoi il fera cette faveur à son ami.
L'intérêt économique et l'intérêt idéologique expliquent beaucoup des propos de Vincent Bolloré. Lors de son audition devant nous, il n'a cessé de clamer que son groupe était petit. Or, hier, il a montré qu'il était le premier groupe européen et qu'il fera bientôt partie des grands groupes mondiaux.
Ces patrons ont principalement construit leur fortune, leur activité, dans le monde de l'industrie ou de la finance, Bernard Arnault avec LVMH, le luxe, Dassault avec les avions et le militaire, Vincent Bolloré avec les ports en Afrique, les batteries, les papiers à cigarettes, etc. Pourquoi viennent-ils tous ensuite dans le domaine des médias ? Vincent Bolloré vous a dit que celui-ci était très rentable, l'inverse des propos de Bernard Arnault devant nous et de la situation de CNews, qui est déficitaire.
Ils ne sont pas misanthropes, ils ne souhaitent pas perdre trop d'argent. Cette volonté d'un monde qui n'a rien à voir avec celui des médias de les posséder a clairement pour but de peser dans les décisions politiques et d'avoir un outil de reconnaissance des marques. On constate tout de même une contradiction, avec des rédactions qui se battent, des journalistes, des syndicats qui imposent leur indépendance et ne sont pas aux ordres.
Ce modèle français ne se retrouve pas ailleurs en Europe, où seuls les grands groupes de presse sont actifs dans les domaines de la presse et des médias, comme en Allemagne.