Dans la loi de 1986, nous avons abordé ces concentrations horizontales. Elle comprend quelques imperfections, dont le fait de ne pas pouvoir être présent sur plus de trois des supports de l'époque, presse écrite, radio, télévision. Dans la presse écrite, la presse hebdomadaire et magazine avait été oubliée, c'est-à-dire que le Journal du Dimanche (JDD), Paris Match ou d'autres pouvaient échapper à la loi, comme s'ils n'influaient pas sur l'opinion, ce qui est une erreur. Ainsi, aujourd'hui, vous pouvez être propriétaire d'une radio, d'une télévision, de Paris Match et du JDD. À l'époque, il n'était pas non plus possible d'anticiper l'explosion du numérique, qui a conduit à des mesures largement incomplètes.
Je considère que les systèmes complètement intégrés de médias sont un vrai sujet pour la démocratie. Être fournisseur d'accès, avoir la production, l'édition et le marché publicitaire devient une accumulation très dangereuse, car elle constitue une possibilité évidente d'atteinte au pluralisme.
Je soutiens ceux qui se sont battus, au plus haut niveau, pour démanteler les Gafam, ce qui a failli se produire aux États-Unis où le débat a été très concret sur une possible séparation des activités. Tout le monde voyait le danger.
En France, nous devons ouvrir un réel débat créatif entre tous ceux qui sont concernés. Je pense qu'il faudrait d'abord interdire ou limiter la possibilité d'être fournisseur d'accès et de posséder des médias. Or, dans notre pays, paradoxalement, trois des quatre fournisseurs d'accès, Free, Altice et Bouygues sont aussi de grands groupes de médias. Nous l'avons échappée belle avec Orange, qui est sorti du jeu.
La question de la publicité est aussi essentielle. Les grands groupes privés en vivent. Si l'un détient l'essentiel du marché publicitaire, la concurrence n'est pas équitable.
Enfin, en raison de l'achat d'Hachette, nous avions commencé à réfléchir au domaine de l'édition. Le livre est un média, le tréfonds culturel d'un pays, de la maternelle jusqu'à la fin de sa vie. Il est problématique qu'un seul acteur soit dominant dans le monde du livre, dans celui de la publicité et dans celui de la radio et de la télévision, tout en étant celui qui apporte ces signaux jusque dans la maison. Nous avons d'ailleurs assisté à des conflits entre chaînes et diffuseurs.
Ces sujets sont cruciaux pour la démocratie, qui se place au-dessus de tous les intérêts financiers des uns et des autres.