Nous avons besoin de groupes solides, ce qui nécessite beaucoup d'investissements compte tenu du coût des technologies permettant d'être compétitif, écouté et regardé. En aucun cas la limitation des concentrations ne signifie pour moi l'affaiblissement de la performance des entreprises en question. En revanche, les plateformes, comme les géants du numérique dits Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), portent atteinte à la démocratie. Ces systèmes intégrés, plus puissants que les États, diffusent de la production d'information, mais aussi culturelle, ce qui fait que les êtres humains vivent ensemble et partagent des valeurs. Des géants de ce type ont des capacités d'investissement plus importantes que des États comme la France, dans la recherche, dans ce qui leur permettra de dominer et d'être en avance sur tous les autres. Si nous pensons que ce modèle doit être copié parce qu'il s'agirait uniquement d'une compétition, le résultat est celui que nous constatons. Nous aboutissons à une diversité tuée et à des citoyens qui perdent de plus en plus le contrôle de leur avenir et du débat démocratique, parfois sans en être conscients. Ainsi, copier ce que l'on dénonce ne me semble pas être la meilleure façon de concurrencer.
En outre, l'argument économique est fallacieux. La fusion entre TF1 et M6 aurait conduit à un géant générant autour de 45 % de l'audience au moment du « 20 heures ». Dans cette position ultradominante, il aurait capté et donné le rythme des recettes publicitaires. Il aurait pesé 1,3 milliard d'euros, alors que Netflix investissait déjà 17,4 milliards d'euros. La concurrence n'existe donc pas sur ce point. L'avance prise au niveau économique et financier ne permet pas de les concurrencer sur ce terrain, mais sur le modèle, la diversité, la qualité, la différence, avec un marché français où nous continuons de regarder autre chose que ces plateformes.
Nous devons continuer à penser que l'information et la culture ne sont pas des biens comme les autres. Nous portons une responsabilité politique, culturelle, démocratique. Nous n'avons pas à copier ce qui détruit la démocratie pour les concurrencer. Nous devons aussi agir au niveau européen, pour être en concurrence sérieuse. Nous en avons les moyens.
Il nous faut également promouvoir un autre modèle et, pour être à armes égales, les contraindre aux obligations que les médias français respectent dans notre pays, comme l'investissement dans la création ou la participation à des pots communs. Le combat a été quelque peu tardif, mais il avance, y compris au niveau européen.