Monsieur Chalmin, vous êtes radical : pour vous, la notion de souveraineté alimentaire ne veut rien dire. Madame Laroche-Dupraz, monsieur Dufumier, vous considérez de toute façon la question accessoire par rapport à celle de la sécurité alimentaire. Le problème de la souveraineté alimentaire ne date pourtant pas de 1962 et du déploiement de la PAC. Cette politique, fondée sur une protection aux frontières et sur des restitutions destinées à soutenir des niveaux de prix rémunérateurs pour le producteur, fut un succès. La production a augmenté. En effet, tous les agriculteurs du monde se ressemblent : dès qu'ils sont correctement rémunérés, le système fonctionne !
S'il n'y avait qu'un seul État dans le monde et du libre-échange, personne n'aurait inventé le concept de souveraineté alimentaire : on cultiverait les terres les plus productives en premier, et on constituerait des stocks pour satisfaire les besoins de la population.
L'émergence de la notion de souveraineté alimentaire est liée à la multiplication des États – qui sont un peu plus de 200 dans le monde –, ou des blocs d'États, et à l'apparition de pénuries découlant de facteurs climatiques ou de guerres. Au XVIIIe siècle, l'Angleterre a choisi de sacrifier son agriculture au profit de son industrie. Lorsqu'elle a voulu reconstruire la première à la veille de la Seconde Guerre mondiale, elle a déployé pendant quelques années une stratégie de souveraineté alimentaire pour nourrir ses ressortissants. C'est la pénurie qui pose la question de la souveraineté alimentaire ; dans un système de libre-échange et de paix entre les peuples, ce concept est vide. Partagez-vous cette opinion ?