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Intervention de Sophie Arzal

Réunion du jeudi 14 mars 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Sophie Arzal, vice-présidente du département de La Réunion et présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours :

Je représente aujourd'hui le président du département de la Réunion, Cyrille Melchior, qui est également le président de la commission des outre-mer des départements de France. Je m'exprimerai aussi en ma qualité de présidente du SDIS de la Réunion.

Je souhaite rappeler l'événement qui a scellé notre prise de conscience collective de la nécessité de nous organiser face à des événements naturels de plus en plus impactants pour nos territoires et leur population. En octobre 2011, un an après un incendie criminel de grande ampleur dans les Hauts de l'Ouest, la Réunion était de nouveau la proie des flammes.

Une semaine après le premier départ de feu, les pompiers ont dû faire face à un front large de 20 kilomètres, violent et difficile à maîtriser. Le feu s'est propagé rapidement dans les zones agricoles et les zones habitées situées à proximité. Afin de maîtriser les flammes, des moyens sans précédent ont été déployés, dont plus de 800 personnes, dont des pompiers, des militaires, des agents de l'office national des forêts et du parc national.

Malgré tous les efforts des intervenants, l'incendie n'a pu être maîtrisé que le jeudi 3 novembre, alors que 2 677 hectares de forêt, dont une grande partie se trouvait dans le périmètre du parc national, étaient partis en fumée. Certains secteurs qui abritent des espèces strictement endémiques ont été touchés.

Cette catastrophe majeure a touché directement et profondément les Réunionnais. Tous les acteurs institutionnels sont conscients de l'ampleur de ce drame et réclament la mobilisation de tous pour que le feu ne fasse plus jamais autant de dégâts.

De l'avis général, il convient de transformer cette catastrophe en une opportunité afin de mieux prendre en compte ces espaces à la fois riches et fragiles. L'éruption volcanique survenue en 1977 fut l'événement naturel ayant engendré la construction de l'observatoire volcanique du piton de la Fournaise. De la même façon, les incendies du Maïdo des années 2010 et 2011 ont été l'événement déclencheur de la mise en place d'un réel partenariat institutionnel autour des risques naturels.

La Réunion est concernée par sept des treize risques naturels principaux répertoriés en France, auxquels viennent désormais s'ajouter la canicule et la sécheresse dans des zones auparavant préservées. L'ensemble des territoires ultramarins est également confronté à cette nouvelle situation.

Dès lors que l'île de la Réunion est menacée par le passage d'un système de nature cyclonique, le dispositif spécifique Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) cyclone est activé. Bien entendu, la population est régulièrement informée de l'évolution du phénomène et de ses dangers.

Par ailleurs, un schéma de diffusion de l'alerte spécifique existe déjà à la Réunion dans le cadre du plan Orsec volcan. L'observatoire volcanologique du piton de la Fournaise constitue d'ailleurs le premier maillon de la chaîne d'alerte. La veille opérationnelle est assurée par le cadre d'astreinte de l'état-major de la zone de protection civile de l'océan Indien, en lien avec l'observatoire volcanique.

La Réunion est également concernée par le risque de feu du 15 septembre au 15 décembre. Une réunion téléphonique regroupant Météo-France, le SDIS et l'état-major de zone préfecture se tient quotidiennement, hormis le jeudi, où l'ensemble des partenaires est amené à produire la carte des risques de feu de forêt de manière partagée. Cette carte fait ensuite l'objet d'une large diffusion auprès des différents acteurs du département et de la population.

Comme vous l'avez compris, la situation géographique et la nature géologique de l'île de la Réunion en font l'une des régions françaises les plus exposées au risque naturel. Les événements majeurs liés aux risques naturels des deux dernières décennies ont mis en exergue la fragilité des territoires ultramarins et la nécessité de renforcer la couverture opérationnelle et la résilience des réseaux.

Depuis maintenant plus de dix ans, l'axe majeur de la construction de la réponse de tous les acteurs impliqués face aux risques est l'information et la sensibilisation du public. Il est fondamental de forger une culture collective permettant à chacun de développer un comportement responsable au regard des dangers et d'agir pour s'en prémunir.

Il est tout aussi fondamental d'aménager nos territoires pour les rendre plus résilients aux risques naturels. Ainsi, à la Réunion, le département est engagé dans une programmation d'investissements ambitieux visant à renforcer les infrastructures hydrauliques, la mobilisation et la distribution en eau brute à destination des agriculteurs et des communes.

Il s'agit également de renforcer les infrastructures routières, avec le plan de résorption des radiers submersibles, afin de rendre le territoire plus résilient face aux catastrophes climatiques, que ce soit la sécheresse, les fortes pluies ou les cyclones.

Avec un investissement annuel d'environ 25 millions d'euros, le département de la Réunion a sécurisé la distribution d'eau pour treize des vingt-quatre communes de l'île et l'irrigation de plus de 16 000 hectares de terres agricoles, soit près de 40 % de la surface agricole utile.

Cet engagement se poursuivra dans les années à venir avec le projet de mobilisation des ressources en eau des micro-régions nord et est (projet Meren). De même, le plan de résorption des 163 radiers submersibles conduit sur le réseau des routes départementales vise à supprimer les écoulements dangereux qui surviennent lors des crues des ravines et dans les hauts de l'île.

En outre, le récent passage du cyclone Belal à proximité de la Réunion a permis de mesurer les effets positifs de ces aménagements, avec la réduction de la vulnérabilité de nos infrastructures.

Les réseaux hydrauliques structurants ont permis de maintenir l'accès à l'eau et de limiter les interruptions de service dans de nombreuses communes, alors même que le territoire était fortement impacté par le phénomène. Grâce aux quarante-neuf anciens radiers submersibles remplacés par des ouvrages d'art, aucune fermeture de la circulation et aucun isolement des quartiers n'ont été déplorés.

Toutefois, ces investissements sont coûteux. Le département, comme les autres collectivités qui aménagent le territoire, doit pouvoir être accompagné à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques a été adopté en 2023 pour les cinq années à venir. Ce document de référence pour l'action du SDIS 974 a été entièrement repensé pour prendre en considération l'intensité et la fréquence croissante des phénomènes naturels d'une part, et l'éloignement de notre territoire exigeant de dimensionner nos moyens d'action en complète autonomie durant soixante-douze heures en attendant des renforts d'autre part.

La situation exceptionnelle des outre-mer, son éloignement et son exposition avérée à des événements naturels de plus en plus intenses est l'élément essentiel que je souhaite porter à votre connaissance. Elle requiert une prise en considération spécifique au titre de la mise en œuvre des politiques nationales d'une part, et des moyens financiers adaptés à la hauteur des enjeux d'autre part.

Les territoires ultramarins ont su déployer une culture du risque chez leurs décideurs comme au sein de leur population. Cette culture est couplée à une organisation pré-opérationnelle rodée. À ce titre, les outre-mer font preuve de maturité et d'innovation à l'heure du changement climatique mondial. Au regard des catastrophes qui touchent désormais l'Hexagone, il est essentiel que les bonnes pratiques des territoires ultramarins bénéficient d'un accompagnement et inspirent les territoires métropolitains.

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