J'entame ma réponse par une remarque générique : la gestion des crises, dont les crises d'origine naturelle, est une extraordinaire école d'humilité, car elle renvoie à des considérations de nature quasiment philosophique sur les rapports entre l'homme et la nature. Je pourrais disserter des heures durant sur ce qui se passe quand l'homme a l'illusion ou la prétention de vouloir dominer la nature. La gestion des crises demeure une école d'humilité permanente.
Nous tentons de « domestiquer » cette difficulté à travers une posture d'humilité, qui consiste à admettre que nous n'avons pas toujours raison et que l'apprentissage est continu, et à travers un certain nombre de principes qui structurent notre action.
Cet aspect renvoie à la manière dont nous intégrons les leçons tirées des différentes gestions de crises, c'est-à-dire les retours d'expérience. Je vous rassure, monsieur le rapporteur. Au sein de la DGSCGC, une sous-direction se consacre à la prise en considération des retours d'expérience. Il s'agit du bureau dirigé par madame Catherine Haller.
Les missions de ce bureau et de cette sous-direction sont d'analyser les risques en permanence et de rester en éveil sur l'évolution des risques. Il s'agit également d'animer et de garantir la qualité du travail de planification qui découle de l'analyse des risques, tant sur le plan national que sur le plan local. À ce titre, nous devons apporter une aide aux acteurs locaux dans leur travail de planification. S'ajoutent à ce schéma la politique de retour d'expérience et la politique d'exercice.
La bonne gestion d'une crise implique un travail de préparation, notamment à travers le travail de planification opérationnelle. Celle-ci doit déboucher sur un plan pouvant être valablement mis en œuvre le jour où la crise survient.
La préparation d'une crise repose également sur les leçons des crises précédentes, c'est-à-dire le retour d'expérience. Chaque crise, sans exception, nous permet d'identifier des nouveautés et d'affiner le dispositif. À titre d'exemple, lors du phénomène Belal, nous avons appris à gérer la phase violette d'alerte des populations.
La préparation d'une crise s'appuie en outre sur les exercices nationaux, qu'ils soient pilotés par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), par le ministère de l'intérieur ou par les autres ministères, et les exercices locaux. Il est à noter qu'un bon exercice est un exercice raté. A contrario, un exercice au cours duquel tout se déroule comme prévu n'a sans doute pas été bien pensé.
Précisément, les exercices sont conçus pour révéler les dysfonctionnements afin que, lors de la crise, les dispositifs fonctionnent plus ou moins correctement. Nous réalisons un grand nombre d'exercices nationaux et locaux. Un exercice aura lieu au début du mois d'avril en préparation des jeux olympiques et paralympiques.
Cette politique d'exercice est également suivie au sein du bureau de Catherine Haller. Nous nous assurons qu'en complément des exercices nationaux, les exercices locaux conduits par les préfectures sont suffisamment nombreux et variés. Cette démarche vise à nous accoutumer aux risques et à l'incertitude liée aux épisodes climatiques majeurs.
De ce point de vue, le parallèle entre la gestion des crises Irma et Belal est intéressant. Les conséquences du cyclone Belal auraient pu être nettement plus dramatiques. Ce phénomène a modifié sa trajectoire au dernier moment pour passer à quelques dizaines de kilomètres au large des côtes réunionnaises. Initialement, sa trajectoire incluait l'île de La Réunion. Nous nous y étions préparés.
Par ailleurs, plusieurs scientifiques relèvent l'absence ou l'insuffisante stabilité des interlocuteurs en matière d'appréhension des risques majeurs, ce qui renvoie à des considérations qui dépassent le champ de la DGSCGC.
Les structures doivent continuer de fonctionner au-delà des personnes qui les incarnent temporairement. En matière de gestion des crises, comme dans d'autres domaines, toute organisation qui dépend trop des personnes qui la composent s'avère fragile. À travers la planification, nous nous efforçons de créer des schémas pérennes de prise de décision.
En outre, le Pacifique se caractérise par une situation juridique quelque peu différente des autres territoires ultramarins. Comme vous le savez, en Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie française, la compétence en matière de sécurité civile a été transférée au gouvernement local.
L'État n'est plus compétent en première intention en matière d'organisation des secours. Il le reste en matière de supervision zonale. Néanmoins, cet échelon n'est pas directement en prise avec l'activité opérationnelle. En conséquence, les gouvernements locaux sont chargés de faire fonctionner les services locaux de sécurité civile. Les modalités d'intervention sont donc différentes de celles des autres territoires ultramarins.
Toutefois, comme nous l'avons vérifié récemment en Nouvelle-Calédonie, lorsqu'un territoire est confronté à un épisode climatique majeur, comme des incendies, il peut recourir à la solidarité nationale. Nous apportons également un appui aux autorités locales de Polynésie française en matière de structuration des services d'incendie et de secours.
J'aborde votre dernière question, monsieur le rapporteur, concernant le caractère suffisant ou non des moyens supplémentaires que nous implanterons dans les territoires ultramarins en application de la Lopmi. Il s'agit d'un progrès par rapport à la situation actuelle. Je souligne toutefois qu'il ne s'agit pas de moyens d'intervention. Ces derniers proviendront principalement des acteurs présents localement et des renforts nationaux.
Précisément, les dix ETP qui constituent le « harpon » faciliteront l'arrivée des renforts nationaux. Ils conduiront des actions de formation et de professionnalisation des acteurs locaux.
Monsieur le rapporteur, vous demandez si ces moyens nous préparent suffisamment à la multiplication de phénomènes de type Irma. Il convient d'aborder ce sujet avec lucidité. Voici une dizaine de jours, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a annoncé l'ouverture d'un Beauvau de la sécurité civile.
Cette démarche particulièrement ambitieuse vise à revisiter l'organisation de notre modèle de sécurité civile à la lumière de l'évolution des conséquences du changement climatique, de l'évolution du système de soins, etc.
Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, qui nous mobilisera jusqu'à la fin de l'année 2024, nous nous interrogerons sur notre capacité à traiter les phénomènes climatiques majeurs dans les territoires ultramarins à l'horizon 2050.