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Intervention de Julien Marion

Réunion du jeudi 14 mars 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Julien Marion, directeur général de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises :

Vos questions portent sur des sujets distincts. Le cyclone Belal est un phénomène récent, puisqu'il date du mois de janvier. Cet épisode aurait pu avoir des conséquences nettement plus dramatiques que celles qui ont été constatées. Je ne minore pas les dégâts importants ayant frappé plusieurs communes de l'île de La Réunion. Néanmoins, le bilan humain, qui n'est certes pas nul, demeure limité. Il est essentiellement imputable à des comportements imprudents de certaines personnes.

Le retour d'expérience du phénomène Belal montre la qualité évidente du travail de planification réalisé par les autorités locales de La Réunion dans le cadre du plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile). Je me suis rendu sur l'île avec le ministre de l'intérieur et j'ai pu constater que ce plan s'apparente à un modèle du genre. Je vous invite donc à le consulter.

Le plan Orsec mis en place dans le cadre du cyclone Belal précise de manière synthétique le rôle et les responsabilités de chacun dans la gestion d'une alerte cyclonique. Je le cite volontiers en tant que modèle. Je souhaiterais même que tous les plans Orsec couvrant tous les types de risques dans l'ensemble des territoires se fondent sur le schéma proposé à La Réunion. À cet égard, le principal risque en matière de planification est d'aboutir à des plans trop détaillés et rapidement obsolètes. Le plan Orsec cyclone mis en œuvre à La Réunion évite cet écueil.

De plus, je relève le professionnalisme des acteurs locaux dans la gestion de la crise. En premier lieu, je pense au préfet de La Réunion, qui a parfaitement activé le dispositif d'alerte des populations intitulé « FR-alert » et a mis en place une communication adaptée et pertinente au moyen des médias traditionnels et des réseaux sociaux. Ainsi, les messages et les consignes comportementales ont été parfaitement diffusés auprès de la population. Lorsque le cyclone est passé au large de La Réunion, la population a donc pu se mettre à l'abri.

En outre, comme je l'avais constaté peu auparavant en métropole, lors d'autres épisodes, je souligne la grande fiabilité des prévisions d'évolution des phénomènes naturels réalisées par Météo-France, qui a accompli d'importants progrès en la matière au cours des dernières années.

En pratique, le cyclone Belal s'est déroulé exactement de la manière annoncée par Météo-France. Sa trajectoire nous a été communiquée dans des délais suffisants. J'avais établi le même constat au début du mois de novembre 2023, lorsque la tempête Ciarán avait frappé l'ouest du territoire métropolitain, dont le Finistère, les Côtes-d'Armor et la Manche. L'amélioration des outils de modélisation, notamment à l'aide du recours à l'intelligence artificielle, fiabilise l'analyse et les prévisions de phénomènes météorologiques majeurs.

Par ailleurs, dans le cadre du phénomène Belal, nous avons été en mesure de projeter dans des délais extrêmement courts des moyens nationaux en renfort des moyens locaux, lesquels étaient dépassés par la gestion des conséquences immédiates du passage du cyclone.

Précisément, nous avons mobilisé des moyens de proximité, notamment en provenance de Mayotte. La solidarité zonale a donc été opérationnelle. Le SDIS (service départemental d'incendie et de secours) a ainsi mobilisé une équipe en renfort des sapeurs-pompiers de La Réunion.

En complément, des colonnes de renfort provenant de la métropole et des moyens des formations militaires de la sécurité civile ont été mobilisées, et ce, dans de très brefs délais. De cette façon, nous avons pu apporter une réponse adaptée aux besoins de la population dans les heures ayant suivi le passage du cyclone.

Enfin, le retour d'expérience à froid que nous allons réaliser sur l'épisode Belal, comme à chaque épisode majeur, nous permettra d'analyser le passage en phase violette souhaité à juste titre par le préfet, selon moi. Lors de cette phase, aucune personne ne pouvait sortir de son domicile, secours inclus. Le CODIS (centre opérationnel départemental d'incendie et de secours) recevait des appels, lesquels ont soulevé une question de doctrine : comment réagir à ces appels ?

Pour sa part, le cyclone Irma est plus ancien. Je vous livre néanmoins quelques éléments de bilan. À l'époque de ce phénomène, j'occupais la fonction d'adjoint du directeur général de la DGSCGC. J'étais donc directement impliqué dans la gestion de cet épisode majeur.

L'ouragan Irma nous a confrontés à un phénomène météorologique absolument hors norme. Il a été suivi de dépressions très importantes. En vingt-quatre heures, ce qui devait être une dépression tropicale relativement marquée s'est transformé en un cyclone de catégorie cinq. Ce phénomène totalement inédit a provoqué un effet de sidération.

En dépit de l'incertitude qui a subsisté concernant la trajectoire du cyclone, le directeur général de la DGSCGC d'alors est parvenu à projeter des moyens sur place en avance de phase au cours d'une courte fenêtre de temps. Sans cette réaction, nous aurons été contraints d'attendre le passage du cyclone et la remise en ordre des infrastructures aéroportuaires pour intervenir.

Par ailleurs, l'articulation avec les échelons locaux, dont l'échelon zonal basé à la Martinique, c'est-à-dire l'état-major de zone, s'est avérée particulièrement solide. En nous appuyant sur cet échelon zonal, nous avons pu déployer une main-d'œuvre logistique inédite dans l'histoire de la sécurité civile. À l'aide d'un pont aérien militaire, nous avons ainsi projeté les moyens humains et matériels nécessaires depuis la métropole vers le hub de la Martinique.

À l'occasion du phénomène Irma, la cellule interministérielle de crise a montré la plénitude de sa pertinence. Compte tenu de l'ampleur des dégâts causés par Irma, tous les ministères étaient concernés. La cellule interministérielle de crise s'est avérée un outil extraordinaire pour construire la réponse à un phénomène météorologique absolument inédit.

Comme dans toute gestion de crise, nous avons noté des aspects perfectibles en matière d'organisation. Cependant, nous pouvons être fiers de la réponse collective apportée au profit du territoire et de sa population après le passage d'Irma.

Monsieur le président, vous m'interrogez également sur le budget de la sécurité civile. En l'espèce, le programme 161 porte les crédits de la sécurité civile au sein de la mission de sécurité du ministère de l'intérieur et des outre-mer. Il regroupe environ 700 millions d'euros de crédits, avec une large majorité de crédits hors titre 2.

En matière d'emplois budgétaires, la sécurité civile représente près de 2 400 ETP. En comparaison, l'écrasante majorité des acteurs du secours, c'est-à-dire des sapeurs-pompiers de tous statuts et des bénévoles des associations de sécurité civile agréées, ne correspondent pas à des emplois de l'État. Il est à noter que la majeure partie des emplois du programme 161 sont composés des formations militaires de la sécurité civile (FORMISC), pour 1 400 ETP. S'y ajoutent le personnel administratif, les démineurs, les pilotes et les mécaniciens qui se chargent des avions et des hélicoptères de la sécurité civile.

Les crédits nous permettent notamment d'alimenter les avions et hélicoptères en carburant et en produit retardant, de contribuer au financement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, de financer certains projets structurants pour les acteurs du secours, comme le projet NexSIS et le pacte capacitaire.

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