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Intervention de le général Jean-Marc Giraud

Réunion du lundi 11 mars 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

le général Jean-Marc Giraud :

Nous travaillons à l'amélioration des infrastructures, notamment aux îles Éparses, particulièrement exposées au réchauffement climatique et hébergeant de surcroît une réserve naturelle nationale.

Dans le cadre de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, la France de l'Océan indien a vocation à constituer un point d'appui de niveau stratégique en matière portuaire, aéroportuaire, de stationnement et de connectivité. Les évolutions permises par la LPM 2024-2030 m'aideront à accueillir des capacités rares dans ces quatre domaines, envoyées en renforts selon la logique que j'ai indiquée préalablement.

En 2028, je bénéficierai d'un détachement de l'aviation légère de l'armée de terre composé de deux hélicoptères ; il sera probablement stationné la majorité du temps à La Réunion mais sera capable, le moment venu, de se projeter à Mayotte. Ce sont des aéronefs de mobilité tactique, qui permettent l'évaluation et la reconnaissance après un sinistre, l'accès à des zones isolées et l'évacuation sanitaire le cas échéant.

S'agissant de la manière d'organiser la résilience, lorsque nous entrons dans la phase d'alerte, dans les cinq jours qui précèdent l'arrivée du cyclone à proximité des terres habitées, nous sommes dans l'obligation de faire prendre la mer à nos bâtiments pour aller vers des horizons couverts. Pour Belal, les cinq bâtiments des Fazsoi sont allés s'abriter le long des côtes malgaches. Nous agissons de même pour les aéronefs : les deux avions de transport tactique, les Casa, sont partis sur l'aéroport de Dzaoudzi à Mayotte, laissant le temps au cyclone de passer. Cette première précaution est déclinée également pour les forces terrestres.

Distribuer la force nous permet en outre d'assurer la redondance. Nos détachements sont constitués avec une autonomie initiale sur tous les sites, par exemple concernant la capacité de tronçonnage. Cette redondance existe également sur les postes de commandement. En fonction de la trajectoire du cyclone, j'ai prépositionné un poste de commandement au nord de l'île de La Réunion avec une réplique au sud ; j'étais capable de reprendre également le commandement à partir de Mayotte. C'est ce que j'appelle du multisite ou du maillage. C'est ainsi que nous préservons un tant soit peu nos moyens, en attendant les renforts de l'Hexagone si cela s'avérait nécessaire.

Vous posez la question des populations en situation irrégulière. Quand nous intervenons sur le territoire national lors de situations de crise, nous avons deux lignes rouges : d'une part, nous ne faisons pas de maintien de l'ordre et, d'autre part, je n'ai pas la légitimité pour désigner les ayants droit, par exemple dans la distribution de l'eau potable. Cela relève non pas des forces armées mais de la préfecture et des forces de sécurité intérieure dans le premier cas, et des centres communaux d'action sociale dans le deuxième. C'est à eux de prendre leurs responsabilités ; pour ma part, j'apporte un appui logistique. Le principe d'humanité nous amènerait évidemment à sauver des vies en mer ou à porter assistance à une personne en danger, par exemple dans le cadre tragique du trafic humain qui s'opère au large de Mayotte.

S'agissant du RSMA, les deux régiments de Mayotte et de La Réunion passent sous mon contrôle opérationnel en cas de crise car je suis tout à la fois l'autorité interarmées de coordination et l'officier général de la zone de défense et de sécurité Sud. C'est intéressant car ils disposent de moyens spécialisés dans le déblaiement, le génie lourd, le génie travaux, ainsi que de savoir-faire professionnels en électricité, en tuyauterie, en canalisation, qui peuvent participer au retour à la normale.

Outre sa force de frappe, car ce sont des régiments importants, le deuxième grand intérêt du SMA réside dans la connaissance intime qu'ont nos volontaires des territoires et de leurs habitants. Ils sont nos meilleurs médiateurs pour évaluer les conséquences des crises, notamment lorsqu'elles sont de nature pandémique. Ainsi, lors de l'épidémie de chikungunya, ce sont eux qui allaient au contact des habitants dans les territoires les plus reculés. Dans ces missions de sensibilisation, d'évaluation mais également d'action, ils sont nos meilleurs ambassadeurs.

Enfin, la lutte contre les désordres, la déstabilisation des compétiteurs ou les menaces de type militaire ou paramilitaire est la spécificité et la priorité des armées. Dans le dialogue civilo-militaire que je mène à Mayotte ou à La Réunion, la force de la défense militaire consiste à assurer la sécurisation au large plutôt que sur le territoire national. Nous luttons contre les trafics susceptibles de déstabiliser en profondeur nos territoires, comme le trafic humain ou encore le narcotrafic. Ce dernier n'est pas aussi important que dans les Antilles mais nous avons tout de même saisi 7 tonnes de drogues dures – héroïne, cocaïne, méthamphétamine – en 2023 dans la zone de responsabilité des Fazsoi. Je pense aussi à la défense contre des menaces au large, par exemple l'islam radical au Cabo Delgado, et à notre contribution à la mission européenne de formation de la QRF (Quick Reaction Force), la force de réaction rapide au Mozambique. Si l'on n'y prend pas garde, la collusion entre le financement de la drogue et la détresse humaine de l'immigration en provenance d'Afrique continentale, qui ne passe pas très loin des centres de l'État islamique au Mozambique, pourrait entraîner une déflagration qui déstabiliserait profondément nos sociétés. Nos missions de sécurisation au large ne pourraient être accomplies par nul autre service de l'État en primo-intervenant.

Notre contribution à la gestion des risques naturels sur le territoire national se fait sur demande de concours mais elle peut nous amener à renoncer ponctuellement à certaines de nos missions – pour le RSMA, il s'agit d'un renoncement à l'engagement de volontaires stagiaires. C'est le dialogue civilo-militaire qui permet d'établir des priorités et d'éclairer les décisions de niveau stratégique pour l'emploi des armées.

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