La zone Caraïbe, et les Antilles en particulier, concentrent les principaux risques de catastrophes naturelles majeures – cyclones, séismes, éruptions volcaniques, tsunamis – dans un environnement archipélagique étendu et morcelé qui freine la mobilité à l'intérieur du théâtre.
La zone se caractérise par l'imbrication et la dispersion des espaces nationaux. Elle comprend une multitude d'États insulaires, totalement tributaires de leurs infrastructures portuaires et aéroportuaires ; ils disposent de modèles économiques limités, de capacités d'intervention réduites, de capacités de résilience très faibles, et sont, de surcroît, presque tous confrontés à une très forte insécurité.
Dans ce contexte, les forces armées aux Antilles sont une force de souveraineté interarmées à dominante maritime, stationnée en Martinique et en Guadeloupe. Elles exercent leurs activités dans l'ensemble de la zone de responsabilité permanente (ZRP) Amérique latine-Caraïbes, en lien étroit avec les forces armées en Guyane, et offrent un point d'appui permettant d'intervenir dans cette zone qui ne présente pas aujourd'hui de menace militaire.
Mes missions comportent : la protection du territoire national et des populations ; le maintien de notre souveraineté ; la préservation de nos ressources dans les zones sous juridiction française ; la lutte contre le trafic illicite en mer – en particulier contre les narcotrafics ; le développement des partenariats militaires avec les États de la région en vue de contribuer à la stabilité de la zone, d'y asseoir notre présence et d'assurer le rayonnement de notre pays.
Enfin, en réponse à une catastrophe naturelle, je dois être en mesure de conduire une opération de secours d'urgence sur le territoire national, ou d'y participer, de l'appuyer, en soutien à l'État. Je dois pouvoir agir en autonomie, dans l'attente de l'acheminement des renforts nécessaires depuis la métropole. Je dois également être capable de conduire et appuyer une opération militaire limitée dans la zone, si un État voisin est confronté à une catastrophe naturelle ou s'il est nécessaire de venir en aide à la population et à nos ressortissants. La situation chaotique à Haïti, par exemple, nécessite un suivi particulier ; nous préparons une éventuelle évacuation de nos ressortissants.
Pour remplir ces missions, je dispose d'unités opérationnelles, d'organismes de soutien et de support, et d'un état-major interarmées. Les unités opérationnelles comptent cinq navires, quatre frégates de surveillance, deux patrouilleurs, un bâtiment de soutien – un couteau suisse, qui a de grandes capacités logistiques – et le trente-troisième régiment d'infanterie de marine, structuré autour de quatre compagnies, dont une de réserve.
S'agissant des organismes de soutien, les forces armées aux Antilles, comme les autres forces armées outre-mer, sont un modèle réduit du ministère des armées : elles comprennent toutes les composantes du ministère – service de communication, direction du commissariat, logistique, service des essences, service des munitions –, et disposent d'une unicité de commandement qui offre des leviers intéressants et une grande autonomie. Avec 1 350 personnes, dont 250 civils, c'est une petite force, calibrée aux justes besoins.
Il y a également, en Martinique et en Guadeloupe, deux régiments du service militaire adapté (RSMA), qui se trouvent dans le giron du ministère des outre-mer, mais peuvent être placés sous mon commandement en cas de besoin.
Les forces armées peuvent être mobilisées par l'État, en l'occurrence par le préfet de la Martinique – il y a plusieurs préfets dans la zone : un en Martinique, un en Guadeloupe et un à Saint-Martin. Cette mobilisation s'opère notamment par des réquisitions ou des demandes de concours. Pour la préparer et l'organiser, nous avons élaboré un plan Catnat – catastrophes naturelles –, qui prévoit différentes situations et différents modes d'action, en s'appuyant sur des Retex.
Pour que vous compreniez mieux en quoi consiste notre contribution lorsqu'une catastrophe survient, imaginons situation classique : l'arrivée d'un cyclone. Il y a d'abord une phase de détection, de suivi météorologique autonome ; quand un cyclone se forme au-dessus de l'Atlantique, à partir d'une perturbation qui vient d'Afrique, nous disposons d'un préavis de l'ordre de cinq à six jours. Très rapidement, nous sommes capables, à l'aide de modèles météorologiques, en lien avec Météo-France, de juger de la trajectoire, de l'évolution et de l'intensité du phénomène cyclonique.
Après cette phase d'appréciation, s'il se confirme que le cyclone va toucher l'une de nos îles, nous prenons nos dispositions pour mobiliser nos moyens d'intervention, adapter notre organisation, mettre en alerte des renforts humains et matériels, déjà identifiés, en métropole ou en Guyane, et éventuellement en faire acheminer une partie avant le passage du cyclone, selon l'évaluation de la gravité du phénomène.
Nous mettons en sécurité tous nos moyens, notamment ceux de la base navale – nos pontons, nos petites embarcations. Il y a également une phase de mise en sécurité des familles des militaires, l'îlotage, que le général Le Bouil a évoqué. Cette organisation ad hoc consiste à prendre en charge et mettre en sécurité les familles des militaires pour permettre à ceux-ci de ne plus s'en préoccuper sur le terrain.
Dans les douze heures qui précèdent le passage du cyclone, nous déploierons des équipes de reconnaissance sur des sites déjà identifiés, répartis sur l'ensemble du territoire de la Martinique. Sur place, ces équipes se confineront pour absorber le passage du cyclone, comme toute la population. Une fois le pic du cyclone passé, elles reprendront contact avec nous et évolueront autour de leur position pour évaluer les dégâts. La préfecture et nous-mêmes bénéficierons ainsi, très rapidement, d'une vision exhaustive de la situation sur le terrain, même si les systèmes de communication habituels, notamment téléphoniques, deviennent inopérants. On évaluera l'état des axes de circulation, les dégâts, et l'on identifiera les éventuelles situations critiques.
Très rapidement, en fonction des résultats de cette évaluation et des instructions de la préfecture, nous serons capables de déployer des équipes d'intervention disposant de moyens plus lourds – déblaiement, aide majeure – pour dégager les axes et porter secours à la population.
Une fois l'urgence passée, selon la gravité de la situation, les armées continueront de contribuer à la gestion de la crise : elles identifieront les zones peu accessibles à la circulation ; elles rétabliront les points d'entrée terrestres et maritimes qui ont été détériorés ; elles participeront à la mise en place d'un flux logistique permettant d'acheminer du personnel, des moyens et du fret sur la zone de secours ; elles mettront à disposition du personnel doté de qualifications spécifiques pour renforcer les moyens d'intervention ; elles déploieront des moyens pour sécuriser ou circonscrire une zone, face aux éventuels problèmes de pillages, et pour apporter un appui logistique et de transport.
Voilà une opération type. Nous nous entraînons à ce genre de situations, en lien étroit avec les autorités civiles, comme avec nos partenaires et alliés dans la région. Nous mènerons par exemple au cours des prochains mois un exercice majeur, qui impliquera 2 500 personnes et plusieurs pays, sur le passage d'un cyclone sur tout l'arc caribéen. Nous nous entraînons aussi avec toutes les ONG, en particulier la Croix-Rouge, ainsi qu'avec les organisations régionales.
Afin d'être réactifs et efficaces dans le soutien à nos populations, les facteurs de succès résident notamment dans la coordination avec les autorités civiles, voire dans une imbrication civilo-militaire. Celle-ci repose sur l'établissement de liens de confiance forts avec tous les services de l'État et sur une connaissance mutuelle fine. Outre-mer, nous avons la chance de travailler dans une très grande proximité avec les autorités civiles, que nous voyons quotidiennement pour traiter tous les sujets qui nous occupent.
Cela suppose également une très grande fluidité logistique, qui elle-même exige une grande préparation. Il faut parfaitement maîtriser les capacités dont l'État dispose en propre et connaître parfaitement nos points d'appui, depuis les points d'entrée tels que les aéroports et les ports jusqu'aux terrains de dégagement. Il faut identifier avec nos partenaires de la région les moyens de transport et de mobilité qu'ils pourraient nous apporter.
Cela repose aussi sur une parfaite connaissance du paysage local et régional, notamment des organisations régionales et des ONG œuvrant dans le domaine humanitaire. Nous avons avec la Croix-Rouge un partenariat fort.
Notre efficacité repose enfin sur des entraînements et sur des sensibilisations régulières. Compte tenu de l'environnement des Antilles françaises que j'ai décrit, la mission de réponse aux catastrophes naturelles est au cœur de notre présence, de nos missions d'appui et de soutien à notre population et aux populations qui nous environnent.