Madame la rapporteure, vous nous demandez ce matin d'approuver un accord global dans le transport aérien entre les vingt-sept États membres de l'UE et les dix États de l'ASEAN. La représentation nationale n'a pas eu son mot à dire, dans la mesure où cet accord s'applique de façon provisoire depuis sa signature le 17 octobre 2022. La Commission européenne, elle, n'a même pas besoin de 49-3 pour imposer ses décisions !
L'accord prévoit la libéralisation du fret et du transport aérien de passagers entre ces deux blocs d'États. Sa logique est à rebours des grands enjeux de notre temps. Il favorise le transport le plus polluant et facilite le grand déménagement du monde. D'après une étude publiée en 2020 dans la revue Atmospheric environment, le transport aérien représente 3 % des émissions globales de CO2. En tenant compte de toutes les émissions de l'aviation, on constate que ce mode de transport contribue pour 6 % au réchauffement global.
L'accord ne prévoit aucun dispositif contraignant pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur. Aucune harmonisation n'est prévue. Soyons clairs : la pollution du transport aérien est celle des voyageurs les plus aisés. On estime que 90 % de la population mondiale ne prend jamais l'avion. En somme, 1 % de la population mondiale est responsable de la moitié des émissions du secteur aérien. En revanche, ce sont les populations les plus fragiles qui en subissent le plus les effets.
L'accord ne prévoit pas davantage de dispositions contraignantes en matière de respect des conventions de l'OIT ou de ratification des conventions fondamentales relatives au respect des droits des travailleurs. De manière générale, les compagnies asiatiques sont soumises à bien peu de contraintes, et rien dans l'accord ne tend à nous rassurer à ce sujet.
En plus d'être climaticide et dangereux socialement, l'accord est inutile et fragilise les compagnies européennes face aux compagnies asiatiques. En 2019, on comptait 8 millions de passagers entre l'UE et les dix pays concernés. Depuis la crise sanitaire, ce niveau n'a jamais été retrouvé et ne devrait pas l'être avant 2025.
Si l'accord anticipe un triplement du nombre de passagers d'ici vingt ans, tel n'est pas l'avis des compagnies aériennes, comme l'ont clairement indiqué les représentants d'Air France-KLM. Les potentialités offertes par l'accord excèdent les besoins exprimés par les compagnies européennes, qui n'entendent pas modifier leur stratégie commerciale dans l'immédiat.
Nous voterons contre l'accord, dont nous considérons qu'il est d'un autre temps.