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Intervention de David Guiraud

Séance en hémicycle du mardi 2 avril 2024 à 9h00
Questions orales sans débat — Exécution budgétaire de 2024

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Guiraud :

J'ai écouté les récentes déclarations du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Un matin de mars, entre l'écriture de deux bouquins consacrés aux fondements de la personne humaine, Bruno Le Maire s'est réveillé pour sonner l'alerte générale : la France est plongée dans un déficit abyssal.

Le réveil est brutal pour un ministre qui, à l'instar de la cigale de la fable, nous chantait la douce musique d'un budget adossé à une croissance de 1,4 %, à rebours des prévisions des institutions les plus sérieuses. Voilà que le Gouvernement ajuste sa prévision de croissance à 1 %, alors même que les observateurs la projettent désormais à un niveau inférieur, en l'occurrence à 0,9 %. Cet écart de 0,1 point représente une différence de 2,5 milliards d'euros : curieuse manière, vous l'admettrez, de tenir son budget « à l'euro près », comme vous vous plaisez à le répéter ! On a vu des salariés se faire licencier pour des erreurs de caisse moins graves…

Évidemment, ce n'est pas votre faute, mais celle de « la croissance mondiale qui ralentit », ce qu'affirme avec un certain culot le ministre de l'économie et des finances, au moment où l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et le FMI (Fonds monétaire international) révisent à la hausse leurs prévisions de croissance mondiale. Ainsi, lorsque ces institutions corrigent à la baisse leurs prévisions de croissance, vous dites que la croissance sera importante, et quand ces institutions annoncent une croissance plus forte que prévu, vous invoquez un ralentissement de la croissance. Même le lapin blanc d'Alice au pays des merveilles n'était pas autant en retard sur la réalité !

Toujours est-il que le Gouvernement nous assure que le problème ne provient pas de la croissance, mais des recettes. Comment se fait-il que les recettes posent problème, alors que l'État n'a jamais collecté autant d'impôt ? Presque toutes les recettes fiscales atteignent leur plus haut niveau historique, la TVA procurant à elle seule plus de 200 milliards. Dans une telle situation, comment justifier un problème de recettes ? C'est bien que l'argent des Français disparaît quelque part !

À vous entendre, on aurait besoin de l'inspecteur Derrick pour retrouver ce pactole dispersé entre tous les ministères de l'État. En fouillant et en grattant, on trouverait ainsi des sources d'économie – à l'hôpital, à l'école… Partout ! Un enquêteur aguerri s'étonnerait toutefois que les fonds de la mission la plus importante de l'État, qui traite des niches fiscales, la mission "Remboursements et dégrèvements – " 140 milliards – dorment en toute tranquillité.

Non contents de ne pas annoncer un seul centime d'effort sur les niches fiscales, vous prévoyez d'abonder la mission de 12 milliards – tout en demandant aux Français 10 milliards d'économies et d'efforts. Entre 2012 et 2022, le montant de la mission "Remboursements et dégrèvements " a progressé de 55 %, passant de 90 à 140 milliards.

Ma question est donc simple : pourquoi ne touchez-vous pas aux niches fiscales, à l'heure où la France devrait, à vous croire, faire des économies ? Que pensez-vous de cette déclaration de Bruno Le Maire, qui annonce une TVA sociale de 5 points, c'est-à-dire le transfert à la sécurité sociale de 60 milliards ? Permettez-moi de vous rappeler que cette TVA sociale existe déjà : sur la collecte totale de cet impôt, 60 milliards sont affectés au budget de la sécurité sociale ! En doublant cette somme, ce qui porterait à 120 milliards la part de la collecte de TVA affectée au budget de la sécurité sociale, vous ne faites rien d'autre que de compenser les exonérations offertes aux grands groupes du pays !

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