Que l'on approuve ou non le dispositif que vous proposez, deux constats peuvent être collectivement partagés : d'une part, la qualité des travaux que vous avez menés est incontestable ; d'autre part, vous avez mis en lumière des réalités indiscutables, parfois méconnues ou impensées, voire considérées comme futiles.
En réalité, l'apparence capillaire peut révéler une époque, une civilisation, des conventions sociales, si bien que de multiples mouvements sociaux se sont traduits par des révoltes capillaires. Coupe afro lors des mouvements des droits civiques, cheveux courts pour les femmes dans les années 1920, cheveux longs pour les hommes durant les périodes hippies… Toutes ces périodes ont questionné les choix de l'existence et la place de la liberté.
La proposition de loi a également le mérite de nous pousser à un examen de conscience. Se pose ainsi la question suivante : toute attente, même légitime, doit-elle avoir une traduction législative ? Notre mandat doit-il être circonscrit aux seules préoccupations attendues à moyen et à court terme par nos concitoyens ? Notre mandat ne nous oblige-t-il pas à choisir ? Sans minorer l'enjeu que soulève votre proposition, comprendraient-ils que nous légiférions en ce sens alors même que tout porte à croire que le législateur a déjà su poser un cadre général avec le principe de non-discrimination, fondée notamment sur l'apparence physique ?
Si nous concédons que la prise en compte de l'apparence physique est un sujet complexe à appréhender, dans la mesure où il peut renvoyer à des biais cognitifs inconscients, nous considérons que la législation en la matière satisfait les objectifs que vous visez. Qu'est-ce que l'apparence physique, si ce n'est l'ensemble des caractéristiques physiques et attributs visibles propres à tout individu – cheveux, morphologie, traits du visage, phénotype et tant d'autres « sous-critères » ?
Nous maintenons que le droit interdit tout traitement discriminant fondé sur l'apparence physique au sens large, qu'elle soit prise isolément ou mise en lien avec d'autres critères de discrimination tels que l'identité de genre, le sexe, l'origine et le handicap. La distinction est d'autant plus importante que, bien souvent, en plus de cette forme particulière de discrimination, les individus peuvent être confrontés de manière directe ou indirecte à des expériences cumulatives en raison de leur identité de genre, de leur sexe, de leur origine ou de leur handicap. C'est la raison pour laquelle il paraît fondamental qu'une expression générique demeure, afin de laisser aux juridictions le soin de combiner, au besoin, ces autres critères.
C'est sans doute dans la sensibilisation que se niche l'une des solutions les plus efficientes. Nous pensons notamment aux magistrats – à qui nous renouvelons notre confiance –, qui pourraient recevoir, par voie de circulaire par exemple, des orientations rappelant que la discrimination fondée sur le sous-critère capillaire est interdite et peut être appréhendée par le prisme de l'apparence physique. Le pouvoir d'appréciation qui leur est conféré est fondamental. De la même façon, la multiplication des actions de sensibilisation des employeurs, privés et publics concourra également à atteindre la cible. À cet égard, nous pouvons saluer les actions ministérielles tendant à lutter contre toutes les formes de discrimination. Sans doute le chemin est-il encore long pour y mettre un terme. C'est la raison pour laquelle nous sommes convaincus que la cible pourrait être atteinte plus rapidement par un autre moyen que le véhicule législatif.
Par ailleurs, les réalités que vous pointez témoignent du fait que les acteurs économiques peuvent être des catalyseurs : par leurs moyens de communication, ils participent à la sensibilisation des consciences et parviennent, souvent mieux que nous, à briser les stéréotypes.
Le groupe Démocrate partage l'objectif premier de rappeler qu'en tout état de cause, l'apparence physique, dans toute sa dimension, est un critère de discrimination, et qu'aucune forme de discrimination n'a sa place dans notre société.