« Ne touche pas à mes cheveux/ Quand ce sont les sentiments que je porte/ Ne touche pas à mon âme/ Quand c'est le rythme que je connais/ Ne touche pas à ma couronne/ Elle dit la vision que j'ai trouvée » : ces paroles de la chanteuse afro-états-unienne Solange font écho, expliquait le 6 octobre 2016 la journaliste Natelegé Whaley, à « de nombreux moments de ma vie où non seulement mes cheveux crépus mais aussi mon nom, ma couleur de peau, mon corps, ma simple présence mettaient les autres mal à l'aise parce que je ne me conformais pas aux idéaux de la suprématie blanche ou du patriarcat. Dans ce morceau, les cheveux sont utilisés comme une métaphore de toute notre essence et sont le symbole parfait, car nos cheveux sont quelque chose qui a toujours été contrôlé à travers l'histoire et jusqu'à nos jours ».
La proposition de loi dont nous discutons vise à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire. Contrairement à ce que suggéraient en commission les railleries de ses détracteurs et détractrices, à ce que laisse entendre le mépris qui vient d'être exprimé à propos de ce problème quotidien de nombre de Français – l'insensibilité voire le déni des mécanismes de domination s'expliquant peut-être par le fait que les intéressés n'en sont pas victimes, en bénéficient ou les alimentent –, ce texte s'attaque à un phénomène réel, sérieux, politique. Cette discrimination touche principalement des femmes et personnes racisées, mais ses effets se font sentir partout : si réduite que soit la partie de la population qui en fait l'objet, le déni du droit, de la dignité, renforce les mécanismes d'oppression sur l'ensemble.