Les cheveux sont classés en quatre catégories : de 1 pour cheveux fins et lisses à 4 pour cheveux crépus, avec un sous-classement allant de A à C. Ma texture de cheveux est qualifiée de 4C, ils sont crépus et frisés. Comme toutes les personnes relevant des catégories 3 et 4, je livre une bataille quotidienne à mes cheveux car, à l'état naturel, ils peuvent donner lieu à des qualificatifs tels que « peu professionnels », « indisciplinés », voire « négligés ».
II y a quelques années, en France, on nous tirait systématiquement les cheveux. Dans les années 1980, les stars racisées ont développé l'usage de produits chimiques qui parvenaient à donner aux cheveux une texture plus souple. Les mèches ont fait leur apparition, en masse : elles permettaient de tresser le cheveu pour le protéger contre la casse et le rallonger. Puis les perruques sont arrivées, ainsi que toutes sortes d'artifices que les femmes concernées ont massivement achetés. La grande époque du tissage a commencé, qui a permis de coudre des bandes de cheveux naturels, venus d'Inde principalement. Enfin, la démocratisation totale a été permise par le fameux lissage brésilien, largement utilisé par les types 2 à 4, avec les conséquences que l'on connaît en matière d'allergies, de problèmes respiratoires et de cancers.
Pourquoi ces explications sur les classements capillaires et les tendances du cheveu afro ? Pour vous rappeler, s'il en était besoin, l'objectif qui a animé pendant tant d'années les 20 % de la population française aux cheveux bouclés, frisés et crépus : se rapprocher le plus possible de la norme, apparaître socialement plus acceptable. Le modèle français donne parfois l'impression d'un modèle d'assimilation, dans lequel le cheveu raide est universel. Cette proposition de loi vise à tordre le cou à cette injonction sociétale et à affirmer que la multiculturalité est une richesse acceptée, voire revendiquée, et qu'avoir des cheveux différents, c'est OK ! Parce que c'est normal, même pour Amaury et sa coiffure spéciale ou pour Mathilde qui souffre d'alopécie totale, la maladie dont Édouard Philippe est également atteint.
Dans Le Parisien, hier, Marie-France témoignait de son expérience : « J'ai décidé de laisser mes cheveux tranquilles. À force de traitements faits pour mieux s'intégrer, ma mère a eu de l'alopécie et porte une perruque. Trop de femmes noires sont dans cette situation à cause des produits chimiques. C'est un enjeu de santé publique. » Elle se félicitait de la libération de la parole sur ces sujets méconnus.
Avec cette proposition de loi, j'émets le souhait que désormais, lorsque je changerai de coiffure, on arrêtera de me dire que les cheveux lisses me vont vraiment mieux, ou pire, que mes cheveux – plutôt que la teneur de mes propos – ouvrent le droit de m'attaquer sur les réseaux sociaux. Avec cette proposition de loi, j'émets le souhait que les afro-descendantes n'iront pas dépenser 200 euros avant un entretien d'embauche pour se lisser le cheveu, de peur de ne pas être recrutées. En effet, si l'arsenal législatif existe, il n'est pas utilisé. J'ai réuni plus de 200 personnes la semaine dernière à l'Assemblée, dans le cadre des vingt ans de la charte de la diversité, et je vous confirme qu'aucune condamnation n'a été prononcée en 2023 pour ce motif.
Avec cette proposition de loi, j'émets le souhait que notre travail protège l'ensemble de nos concitoyens dans toute leur diversité. Nous pouvons le faire aujourd'hui grâce à ce texte qui apporte une précision en matière de discrimination, afin que davantage de personnes s'en saisissent ; une précision qui donne un signal fort car elle démontre que nous voyons ce qui se passe, que nous ne sommes ni hors sol ni dans le déni de la réalité ; une précision qui permet à une partie des Français d'être reconnus pour ce qu'ils sont et de leur donner le simple droit d'être. Vous l'aurez compris : nous voterons ce texte.