Les cheveux sont politiques. Ils sont un symbole de libération, mais aussi un moyen d'oppression ; ils font l'objet de fantasmes, mais aussi de discriminations. À celles et ceux qui en doutent dans cet hémicycle, je dis que la discrimination capillaire est bel et bien une réalité. Une réalité sociale, aux conséquences parfois désastreuses sur la construction de soi et l'insertion dans la société, en particulier dans le monde du travail.
Cette réalité n'est pas étrangère à notre pays. Elle questionne la norme physique dominante dans notre société française et occidentale ; elle interroge sur sa construction et sur sa nécessaire déconstruction. La lutte contre les discriminations, quelle que soit leur forme, en particulier dans le monde du travail, est ainsi un programme sur lequel nous devrions toutes et tous être d'accord.
Je tiens à souligner la qualité du travail de M. Serva dont le rapport nous apporte un éclairage important sur cette réalité.
Pourtant, je regrette que certains de nos collègues aient méprisé l'objet de cette proposition de loi. Peut-être n'y ont-ils jamais été confrontés ; peut-être ne veulent-ils pas voir la réalité de l'ampleur des discriminations dans notre pays. Je les invite à ne pas invalider l'expérience de la discrimination car c'est infliger une violence supplémentaire à toutes celles et tous ceux dont c'est le quotidien.
Si la discrimination capillaire est une discrimination physique, qui reflète des stéréotypes profondément ancrés dans notre inconscient collectif, elle dépasse la simple question esthétique. Elle relève ainsi souvent d'une discrimination raciale complètement banalisée, qui se dissimule derrière la norme esthétique et se cristallise autour des cheveux crépus – il faut bien le dire.
La norme de notre société occidentale est le cheveu lisse, symbole d'ordre, d'organisation et d'entretien ; à l'inverse, le cheveu bouclé, crépu ou frisé, interroge et repousse. Voilà qui renvoie à un imaginaire et à des représentations racialisées négatives qui remontent loin dans notre histoire. On les retrouve jusque dans la langue : en anglais on parle de bad hair et en espagnol de pelo malo, c'est-à-dire de « mauvais cheveux ».