En vous écoutant répondre à mes collègues sur les questions d'éducation, madame la ministre, je perçois un déni de réalité face à une situation franchement terrible. Je vais vous donner quelques exemples précis qui illustrent combien la rentrée 2023, dans ma circonscription, a été catastrophique.
À Gennevilliers, 200 élèves, soit onze classes, n'ont pas eu d'enseignants du premier jour de la rentrée jusqu'aux vacances de la Toussaint. Depuis, vous l'imaginez, la situation reste fragile, et nombre de classes fonctionnent avec des remplaçants, qui sont eux-mêmes remplacés – quand on trouve preneur – au bout de quelques jours. Dans ce contexte, parler de « continuité des projets » est illusoire.
À Colombes, la classe de CP B de l'école Ambroise-Paré B a perdu seize journées de classe depuis la rentrée. À Villeneuve-la-Garenne, selon un comptage de la FCPE – Fédération des conseils de parents d'élèves –, on dénombre trois cent vingt-quatre heures en moins depuis le début de l'année en école élémentaire. Les parents, qui en sont rendus à traduire l'État en justice, étaient la semaine dernière au tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour défendre leur cause.
Dans cette même ville, le lycée, dont les effectifs sont en hausse constante depuis cinq ans – dans ma circonscription, on ne peut pas parler de démographie en baisse –, compte plus de 800 élèves. Or il ne dispose toujours que d'un seul conseiller principal d'éducation (CPE), et n'a plus aucune assistante sociale depuis le mois de mars 2023. Des postes d'enseignants sont non pourvus ; par exemple, les élèves de terminale de la série sciences et technologies du management et de la gestion (STMG) n'ont pas eu de cours de management de septembre à janvier, alors que c'est la matière cardinale de leur cursus. Cette situation aura bien sûr des conséquences sur leur réussite au baccalauréat, mais elle conditionnera aussi leur classement sur Parcoursup.
Je veux évidemment associer à mon propos les élèves, les parents et les enseignants en lutte en Seine-Saint-Denis. De la maternelle au lycée, les parents sont en colère ; eux aussi, sachez-le, sont lassés des « paquets d'heures pas sérieusement remplacées ». Les équipes enseignantes sont épuisées par ces conditions de travail, et les enfants sont perturbés. Dans nos villes populaires, les habitants sont lucides sur le tri social qui s'organise à l'école à cause de vos choix politiques.
La situation est tellement catastrophique et intolérable que votre ministère aurait au moins pu en saisir l'ampleur – on est en droit de le penser. Mais les prévisions de carte scolaire et de dotation horaire globale ont été annoncées, et on ne trouve plus les mots pour dénoncer vos agissements. La crise est sans précédent, mais vous allez l'accentuer encore. Le déploiement du fameux « choc des savoirs », énième réforme que toutes les études déconseillent, va dans ce sens : faire plus avec toujours moins de moyens. Là où des efforts sont toujours nécessaires, des moyens sont encore retirés.
La ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a dit vouloir « rendre notre école plus efficace pour les élèves » et « améliorer les résultats scolaires ». Comment comptez-vous vous y prendre, alors que vous allez encore devoir rendre de l'argent ?