Pour répondre à votre question, je voudrais commencer par rappeler la création de l'Institut des hautes études de sécurité intérieure (IHESI) par Pierre Joxe en 1989. Cette date n'a rien de fortuit, puisqu'il s'agissait de repenser la sécurité intérieure dans un monde ouvert, après la chute du Mur de Berlin. C'est à partir de cette époque qu'une réflexion sur la notion de sécurité va être lancée. J'ai eu la chance de participer à ces travaux.
Après l'attentat de la station Saint-Michel, en 1995, un espace sécuritaire est reconstruit et les militaires sont sollicités pour compléter les patrouilles. S'ensuit une succession d'actes terroristes, qui conduisent à s'orienter vers une approche globale de la sécurité.
À l'époque, nous avons ouvert, avec Dominique Bourg, un laboratoire consacré aux risques sociaux et sociétaux à l'université de technologie de Troyes. Au sein de cette équipe de recherche, nous travaillons sur la sécurité globale.
La santé et la sécurité font face à la même problématique. Si Robert Debré avait décidé d'associer des établissements universitaires avec des hôpitaux, c'est parce que dans notre monde, la recherche ne peut plus être désolidarisée du décideur. C'est pourquoi l'IHESI et d'autres laboratoires se sont efforcés de ramener le décideur au niveau de la recherche.
Dans le cadre de mes fonctions à l'Agence nationale de la recherche, j'ai été amené à travailler sur la question de la résilience. La sécurité globale implique d'appréhender l'ensemble du système pour traiter un point particulier, en associant dès le départ les praticiens. L'enjeu consiste à faire participer la hiérarchie aux travaux de recherche. C'est l'une des facettes de la sécurité globale, qui est une méthodologie.
J'en viens à votre question sur l'anticipation. J'ai pu accompagner des professionnels jusqu'au doctorat, ce qui a permis de bénéficier de leurs retours d'expérience et de leur longue expertise. C'est un extraordinaire levier d'anticipation.
Pour terminer, je voudrais évoquer un dernier exemple. Il y a près de six ans, nous avons répondu à un appel à projets du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur le terrorisme. Avec une archéologue, nous avons donc bâti un programme de recherche sur l'« archéologie du sang » : il portait sur les objets provenant de pays en guerre et intégrant les circuits de la criminalité organisée. Cette initiative, née d'une coopération entre professionnels et chercheurs, est devenue un programme européen.
La sécurité globale nécessite la mutualisation de compétences de très haut niveau, sur des domaines transversaux, l'objectif étant d'assurer la continuité d'activité.