Avant de répondre à votre question, je voudrais préciser que notre chaire gestion de crise est codirigée par l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp). Au regard du sujet qui nous occupe, cette coopération trouve tout son sens.
Avant de définir la notion de crise, il faut commencer par comprendre dans quelle société nous vivons. Jamais l'homme n'a autant échangé, jamais il ne s'est autant déplacé qu'aujourd'hui. La continuité d'activité est devenue une obsession. Dans cet environnement, l'enjeu consiste à maintenir le décideur au centre du système. Il s'agit d'une problématique centrale du troisième millénaire.
En ce qui concerne la crise, toute la difficulté consiste à gérer la rupture et la minute d'après. Cette préoccupation a toujours habité l'être humain. La minute d'après est angoissante, traumatisante, et source de problèmes à résoudre. De fait, nous vivons constamment dans l'anticipation.
Nous sommes confrontés aujourd'hui à différents types de crise. Je distinguerai tout d'abord la crise « de rupture », qui nécessite de relier l'avant et l'après. C'est le cas par exemple de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen. Il existe aussi une crise « de fracture », qui pose beaucoup plus de difficultés, car elle est liée à des phénomènes naturels. Au cours des vingt dernières années, les crises de cette nature se sont multipliées. Elles ont des coûts humains et financiers élevés. Par ailleurs, j'appellerai crise « de mémoire » les attentats terroristes, qui touchent la mémoire collective d'une société. Récemment, elle s'est matérialisée sous forme de « self terrorisme ». Enfin, avec le Covid-19, nous avons fait l'expérience d'un autre type de crise. Dans ce cas, nous sommes passés de la gestion de crise à la crise de gestion. Nous avons dû nous demander où positionner l'expertise, et le politique a repris la main.
La gestion de crise doit être temporaire, car dès qu'elle s'inscrit dans une échelle de temps plus longue, de nouveaux problèmes émergent. Personnellement, j'ai consacré ma thèse aux phénomènes de panique dans les stades. Contrairement à la peur, qui a un objet défini, l'angoisse est liée à une atmosphère. Il est donc essentiel d'apporter une réponse le plus rapidement possible, et c'est tout le principe de la gestion de crise. Pour cela, il faut trouver la bonne articulation entre les différents niveaux d'intervention.