Intervention de Ran Halévi

Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Ran Halévi, historien, directeur de recherche au CNRS :

Nous savons tous à peu près quelle serait l'issue idéale de ce conflit : l'établissement d'un État palestinien et la pacification relative de la région. En revanche, nous ne savons pas comment y parvenir. Monsieur Malbrunot a parlé de la branche politique et de la branche militaire du Hamas mais cette branche militaire est celle qui, pour l'instant, dessine la politique du Hamas. Nous avons l'impression que les responsables politiques logés au Qatar essayent de négocier non seulement avec les Israéliens et les Américains mais aussi avec la branche militaire du mouvement, dirigée par Yahya Sinwar. Celui-ci est un homme profondément religieux : pour lui, la nouvelle rédaction de la charte palestinienne n'a pas modifié son but, qui consiste à mener une lutte militaire à mort pour les l'éradication d'Israël, qu'il a préparée pendant des années avec l'argent qatari. La branche politique est susceptible de s'asseoir à la table des négociations mais nous savons peu de choses de la branche militaire, qui ne semble pas pour l'instant disposée à ouvrir une voie en faveur d'une pacification ou même d'un arrangement.

Au risque de vous surprendre, dans cette guerre de cent ans avec les pays arabes, Israël a gagné : il a apaisé les tensions avec tous ses voisins, soit par des relations diplomatiques, soit par un cessez-le-feu qui dure depuis la fin des années 1970. Il avait, d'une certaine manière, la clef pour œuvrer vers une solution politique qui complète sa victoire militaire. À deux reprises, Israël a d'ailleurs pris des initiatives en ce sens avec les accords d'Oslo, initiés par le premier ministre Rabin, et en 2003, quand le premier ministre Ariel Sharon a décidé d'évacuer toute la population israélienne vivant dans la bande de Gaza et de rendre cette dernière aux Palestiniens.

Il est temps maintenant de reprendre l'initiative et de créer des conditions pour l'établissement d'un État palestinien, qui n'est certes pas pour demain. Tocqueville nous explique que la démocratie est d'abord un instinct. Il faut donc d'abord créer des conditions permettant à un État palestinien non seulement d'exister mais aussi de durer. Le premier pas, modeste, d'une solution repose sur une séparation de corps entre ces deux peuples, que Rabin avait entamée et que Sharon avait poursuivie.

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