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Intervention de Marine Le Pen

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarine Le Pen :

Ma première question est d'une actualité brûlante, puisqu'il semblerait qu'une émission du magazine d'investigation Complément d'enquête évoque la distraction ou la disparition de mobilier national à des hauteurs insoupçonnées, notamment dans votre ministère. Allez-vous ouvrir une enquête au sein du MEAE concernant le vol de ce qui appartient aux Français ?

Je vous remercie pour tous les chiffres que vous nous avez communiqués. Cependant, comme le disait Jean Bodin : « Il n'est de richesse que d'hommes ». Et j'ajouterai : que d'hommes de qualité car leur nombre ne fait pas tout. Je souhaite appeler votre attention sur la mise en extinction du corps des ministres plénipotentiaires et de celui des conseillers des affaires étrangères à partir du 1er janvier 2023, décidée par le président de la République. Le décret procédant pour cela à la fusion de ces deux corps a été signé le 16 avril 2022. Ces diplomates auront le choix entre demeurer dans un corps dit d'extinction ou être intégrés au corps des administrateurs de l'État, uniformisé et interministériel. Il s'agit de facto de privatiser la haute fonction publique et de promouvoir le népotisme, sous le prétexte de favoriser l'innovation et le dynamisme.

Ce projet est mortifère, notamment parce que les spécialités des hauts fonctionnaires ne sont pas interchangeables. Tous les fonctionnaires n'ont pas la fibre internationale, ni les diplomates la fibre préfectorale. Ce décret de mise en extinction vise un ministère déjà très éprouvé par une réduction d'effectifs de 50 % au cours des trente dernières années. Il est d'autant moins justifié que le Quai d'Orsay est l'une des administrations les plus ouvertes et diversifiées, avec 19 % des ambassadeurs et 41 % des chefs de service qui ne sont pas diplomates. Il en est de même pour les 52 % d'agents contractuels.

Lorsqu'on a choisi de consacrer sa vie au rayonnement et à la promotion de la France sur la scène internationale, à l'issue du concours le plus sélectif de la fonction publique, il serait absurde d'être contraint de mener une carrière systématiquement interministérielle et indifférenciée.

Il s'agit en réalité de la fin de toute spécialisation, pourtant gage de performance du réseau diplomatique. C'est la fin de la transmission de la mémoire de l'institution, de l'accumulation de l'expérience, du façonnement d'une culture et de compétences particulières. C'est condamner notre personnel diplomatique à l'éternel noviciat. À l'heure du retour de la guerre en Europe, de l'effondrement de l'influence française en Afrique et de la remise en cause de l'ordre international né en 1945, l'urgence est de renouer avec une politique étrangère puissante.

Ma question est simple : qu'en est-il des états généraux de la diplomatie, promis par le président de la République et censés être une plateforme de négociation au sujet de cette réforme ? Notre outil diplomatique et consulaire garantissait à la France de tenir un rang conforme à son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies et à son statut historique de grande puissance. Le professionnalisme et la qualité dont est empreinte notre diplomatie sont salués dans toutes les enceintes internationales, par les alliés comme par les rivaux. Avec les deux concours du cadre d'Orient, cette diplomatie incarne l'exception française, que vous devriez protéger et non détruire. La fusion interministérielle serait fatale à la survie de l'excellence diplomatique française. Nous ne pouvons pas nous le permettre, à l'heure ou la Chine, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Turquie et les États-Unis renforcent leurs réseaux diplomatiques et consulaires.

Plus que jamais, je suis convaincue que nous devons renouer avec le concept d'État stratège, sans recours excessif à la privatisation de ses fonctions régaliennes.

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