Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir accepté de venir dès le début de la session ordinaire 2022-2023 nous présenter le budget de votre ministère pour l'an prochain, qui déterminera vos marges d'action. Vous vous inscrivez dans une certaine continuité, puisque chaque premier mardi d'octobre le ministre de l'Europe et des affaires étrangères vient traditionnellement devant notre commission.

J'observe, pour commencer, que le budget de votre ministère, tel qu'il est prévu dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 devrait s'établir à un peu plus de 6,6 milliards d'euros, en progression de 542 millions d'euros, soit une augmentation assez importante de 9 %. Ce n'est pas trop décevant dans une période marquée par un souci de maîtrise des dépenses budgétaires – il ne faut pas dire qu'il s'annonce prometteur, car il ne faut jamais être trop optimiste.

Notre commission a désigné neuf rapporteurs pour avis. Dans les prochaines semaines du long marathon budgétaire qui s'ouvre, ils vont nous éclairer sur l'usage des crédits qui financent, directement ou indirectement, l'action extérieure de l'État, la politique d'influence et le rayonnement culturel de notre pays à l'étranger. Trois de ces rapporteurs ont la responsabilité d'examiner plus spécifiquement les programmes qui dépendent de votre département ministériel. En effet, le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) se répartit de manière un peu schématique entre deux missions : la mission Action extérieure de l'État et la mission interministérielle Aide publique au développement. Au sein de celle-ci, un programme budgétaire relève du Quai d'Orsay.

Les crédits de la mission Action extérieure de l'État s'élèvent à 3,1 milliards d'euros. Ils sont donc en hausse de 6,9 %. Pour mémoire, les dépenses de fonctionnement du ministère ne représentent que 17 % du total. Il faut saluer leur modestie. Quant aux contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, elles en représentent environ 27 %. Lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, au début du mois de septembre, vous avez vous-même annoncé que le temps du « réarmement » de notre diplomatie était venu, bien entendu au service de la paix.

De fait, nous pouvons nous réjouir collectivement que la mission Action extérieure de l'État bénéficie l'an prochain de la création nette de 100 équivalents temps plein (ETP). L'enjeu est de répondre aux besoins prioritaires que sont la présence dans la zone indo-pacifique, la capacité d'analyse politique, la sécurisation des emprises diplomatiques et la cybersécurité. S'y ajouteront 6 ETP pour la nouvelle délégation à l'encadrement supérieur. Cette création nette d'emplois est une première depuis 1993, même si votre prédécesseur avait eu le grand mérite de mettre un coup d'arrêt à la longue érosion des ressources humaines du Quai d'Orsay, qui était la norme de cet infortuné ministère depuis trop longtemps.

En matière d'immobilier, les moyens continueront leur progression. Nous y sommes très sensibles au sein de cette commission, comme en témoignent les critiques qui ont été effectuées dans le passé sur une gestion immobilière qui se voulait économe et qui était marquée du sceau de la ladrerie – ladrerie imposée au MEAE en interministériel… Les moyens continueront donc leur progression, pour atteindre 50,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation de 20 %. Le plan de sécurisation des emprises de nos ambassades pourra ainsi être poursuivi, ce dont nous ne pouvons que nous satisfaire.

Des financements seront également consacrés à la lutte contre la désinformation, notamment en Afrique. Notre stratégie d'influence se verra renforcée, grâce en particulier à des dotations en faveur de l'alliance internationale pour la protection du patrimoine des zones de conflit (ALIPH). Des crédits seront également affectés à la préparation de l'exposition universelle de 2025 à Osaka, et au soutien du réseau d'enseignement du français. Une aide spécifique de 10 millions d'euros a été octroyée aux établissements français du Liban. Pour être allé dans ce pays il y a quelques mois, je peux témoigner que ce ne sera pas du luxe.

Les dotations inscrites dans le programme 209 Solidarité avec les pays en développement de la mission Aide publique au développement s'élèvent à 3,3 milliards d'euros au total. Principal outil d'aide publique au développement du MEAE, elles augmenteront de 379,4 millions d'euros. Cette hausse devrait notamment permettre de plus que décupler la provision pour crise majeure, en la faisant passer de 23 millions d'euros à 270 millions d'euros. Les crédits destinés à la composante bilatérale de l'aide publique au développement (APD) française vont s'accroître de 300 millions d'euros et passer à 1,8 milliard d'euros. Cela correspond aux engagements pris à l'article 2 de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui constitue l'essentiel de l'œuvre législative de cette commission lors de la précédente législature. Elle a pour nous un caractère absolu.

Au titre de l'action humanitaire, les crédits globaux s'élèveront à 642 millions d'euros, contre 500 millions d'euros l'an passé et 154 millions en 2017. Ce n'est quand même pas rien ! L'aide alimentaire augmentera de 42 millions d'euros et le fonds d'urgence humanitaire bénéficiera d'une revalorisation de 30 millions d'euros. À cela s'ajouteront 75 millions d'euros pour l'initiative Food and agricultural resilience mission (FARM).

En définitive, chacun conviendra que le Gouvernement s'emploie à travers le PLF 2023 à revaloriser substantiellement les moyens accordés à nos services et à notre diplomatie. Je dois dire que, dans l'Assemblée nationale actuelle, il est infiniment préférable d'être président de la commission des affaires étrangères que rapporteur général du budget.

Ce rapide panorama me porte à croire que vous êtes, madame la ministre, plutôt satisfaite des arbitrages effectués à l'occasion de ce projet de budget. Si vous trouvez que ce n'est pas assez, nous vous suivrons… Pour ma part, je vois beaucoup de points positifs dans les équilibres qui ont été trouvés.

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