Entre 2017 et 2021, cinq producteurs d'armement ont représenté, à eux seuls, 77 % du montant total des exportations mondiales. Le marché mondial de l'armement repose donc encore sur un nombre réduit d'acteurs, même si de nouveaux États arrivent sur le marché. Les tensions géopolitiques aux frontières de l'Europe ont conduit plusieurs pays – l'Allemagne, la Pologne, la Norvège, le Danemark – à accroître fortement leur budget de défense. Les États de l'Union européenne qui accroissent leurs dépenses militaires pourraient être amenés, s'ils privilégient l'offre d'entreprises européennes, à développer des capacités d'achat en commun de matériel ou d'élaboration conjointe d'armement. Toutefois, la très forte concurrence intra-européenne entre la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Suède conduit ces pays à compenser cette insuffisance de coopération par des stratégies de substitution à l'export en privilégiant des pays tiers ou des partenaires étrangers, y compris dans leur dispositif de production.
Face à ces constats et à l'évolution du contexte stratégique qui a conduit la France à faire évoluer ses positionnements, plusieurs questions peuvent se poser. Quid d'une éventuelle insuffisance du soutien militaire français à l'Ukraine ? Plus généralement, en quoi va consister la mise en place d'une économie de guerre, s'agissant de l'adaptation des règles juridiques, de la réorganisation de la production d'armement et de la constitution de stocks ? Si la France exporte davantage, comme c'est prévisible, comment nos militaires formeront-ils nos partenaires étrangers à l'utilisation de ce nouveau matériel ?
Par ailleurs, en septembre 2021, l'Australie annonçait l'annulation du contrat du siècle, d'un montant de 56 milliards d'euros, qui prévoyait la livraison de douze sous-marins. Cette décision a été vécue par la France comme une véritable rupture du lien de confiance unissant nos deux pays et a représenté le point d'orgue d'une crise diplomatique sans précédent entre Paris et Canberra. Si nos relations avec l'Australie se sont améliorées depuis, cet épisode illustre les aléas auxquels notre industrie de défense peut malheureusement être soumise. La perte d'un tel contrat a porté un coup non négligeable à nos exportations d'armements et aux industriels qui y participent directement, en l'occurrence le fabricant de sous-marins Naval Group et ses sous-traitants. Ne conviendrait-il pas de nous recentrer sur le marché européen pour éviter de futures déconvenues et pour répondre plus efficacement aux besoins de la guerre de haute intensité ? N'est-il pas temps de coordonner nos efforts de production au niveau européen ?