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Intervention de Frédéric Mathieu

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 14h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Mathieu :

Sur la période de 2017 à 2021, la France a été le troisième exportateur d'armements au monde. Parmi ses clients, on trouve de grandes démocraties respectueuses des droits humains telles que le Qatar, les Émirats arabes unis, l'Égypte ou encore la Russie – vous l'avez rappelé, Monsieur le ministre des armées.

Le préambule de la Constitution de 1946 dispose : « La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple ». Il énonce encore : « Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix ». Conformité aux règles du droit international, liberté des peuples, défense de la paix, ces grands principes constitutionnels ont été édictés au lendemain de la seconde guerre mondiale et nous avons toutes les raisons d'en être fiers et jaloux.

Au regard de ces principes, les armes sont-elles des marchandises comme les autres ? Non, précisément parce que leur commerce, tel qu'il est pratiqué par la France, annihile tout simplement les principes en question. Les faits montrent que nous n'avons aucune restriction à exporter partout dans le monde ; force est de constater que nos compromissions vont trop loin.

Nos armes, en premier lieu, peuvent se retourner contre nous. La France a ainsi livré des armes à la Libye, dès la levée de l'embargo en 2004. Une fois Kadhafi renversé, en 2011, l'arsenal libyen s'est effondré et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a fait ses emplettes, notamment pour ses opérations au Sahel. L'idée même que des militaires français aient pu être la cible d'armes de conception et de fabrication françaises devrait nous inciter à mettre un frein aux exportations.

Nos armes sont aussi utilisées régulièrement contre la défense de la paix. C'est ainsi que la France a livré des armes à la Russie, entre 2015 et 2020. Les ventes sont légales selon le cadre juridique qui est le leur mais l'appât du gain a permis de concourir à la modernisation de l'armée russe. Au passage, belle vision stratégique !

Nos armes, enfin, sont utilisées contre les peuples, comme ces dernières années au Yémen. D'après l'ONU, ce conflit aurait causé 380 000 morts, en quasi-totalité des civils. Nous parlons bien de crimes de guerre.

Le tableau est lamentable. Cerise sur le gâteau : pris au piège de l'inepte logique de concurrence à laquelle l'armement ne devrait pas être soumis, nous sommes contraints de chercher sans cesse de nouveaux clients pour assurer la production de nos propres besoins. Cette dépendance est telle que la France jette ses engagements internationaux aux orties. C'est ainsi, par exemple, qu'elle ferme les yeux sur le trafic d'armes dont se rendent coupables les Émirats arabes unis au profit du maréchal Haftar. Le respect du droit international s'évapore devant la déférence due à l'un de nos plus gros clients.

Voici, rapidement brossés, quelques-uns des bienfaits d'un modèle économique ouvert à tous les vents de la concurrence – et dont vous présentez aujourd'hui le rapport d'activité. Voici une vision de la souveraineté qui laisse amer. Voici une manière d'assurer notre sécurité qui paraît bien lacunaire. Voici l'œuvre de promotion de la paix bien dénaturée.

À un moment où le regain de tensions internationales entre grandes puissances menace durablement la paix, La France insoumise réaffirme que les armes ne sont pas des marchandises comme les autres. Nous rappelons qu'il est urgent de mettre fin au modèle économique du tout-export, qui fait passer le profit avant les droits humains, avant la paix et, finalement, avant notre propre sécurité.

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