Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du président Bourlanges, qui accompagne également Mme la présidente de l'Assemblée nationale dans son déplacement en Pologne et en Ukraine.
Au nom de la commission des affaires étrangères, je me réjouis et me félicite de la tenue de cette réunion, dans ce format totalement inédit. Dans un rapport d'information dont la commission des affaires étrangères a autorisé la publication le 18 novembre 2020, et qui s'intitule « Renforcer le contrôle des exportations d'armement, une contribution à l'Europe de la défense », Michèle Tabarot et notre ancien collègue Jacques Maire – pour qui nous avons une pensée – ont développé une analyse complète de l'utilité du regard parlementaire sur ces enjeux et formulé des propositions, auxquelles la publication d'un rapport gouvernemental consacré à l'exportation des biens à double usage constitue une réponse bienvenue et attendue.
Il faut bien constater que le débat public est réducteur lorsqu'il s'agit d'expliquer les ventes, par nos industries nationales, d'armes ou de biens pouvant servir à des fins militaires. Ces exportations ont certes un intérêt économique mais elles contribuent aussi à notre souveraineté stratégique et à notre influence en matière de sécurité internationale.
La France ne peut pas exporter ces productions à n'importe quelles conditions. Notre pays porte des valeurs. Il n'est pas possible que ces exportations puissent servir à violer le droit de la guerre ou à réprimer des civils innocents. Cette exigence revêt une actualité particulièrement douloureuse compte tenu de ce qui se passe en Ukraine.
La France est membre fondateur et participant actif des quatre régimes internationaux de contrôle visant à prévenir la diffusion incontrôlée d'armes et de technologies sensibles : le groupe des fournisseurs nucléaires (GFN), pour les biens et technologies nucléaires sensibles ; le groupe Australie (GA), pour les biens pouvant servir à la composition ou à la fabrication d'armes biologiques et chimiques ; le régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR) pour les missiles et les technologies associées ; l'arrangement de Wassenaar sur le contrôle des exportations d'armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage.
Notre pays participe également à l'Initiative de sécurité en matière de prolifération (PSI). Il est aussi partie prenante à des conventions internationales majeures, telles que la convention d'Oslo sur les armes à sous-munitions, la convention d'Ottawa sur les mines anti-personnel et le traité sur le commerce des armes (TCA), entré en vigueur le 24 décembre 2014. Au surplus, le cadre normatif du droit communautaire impose des obligations fortes.
Par ailleurs, un contrôle administratif rigoureux des licences d'exportation des armements et des biens à double usage est mené à l'échelon interministériel. Je salue la présence des trois ministres concernés à notre réunion. La présentation de rapports annuels au Parlement, depuis 1997 s'agissant des exportations d'armements et à partir de cette année concernant celles de biens à double usage, participe d'une saine transparence sur ces questions, qui intéressent de plus en plus nos concitoyens. Les échanges à venir n'en sont que plus légitimes.
Le montant des licences octroyées pour les exportations de biens à double usage, soit 9 milliards d'euros en 2021, n'est pas significativement inférieur à celui des exportations d'armements, qui est de 11,7 milliards d'euros. Cet état de fait renforce la pertinence et l'utilité d'une démarche conjointe, qui offre une vision plus globale.
Sur le fond, ces rapports insistent largement sur les cadres juridiques applicables à ces questions, plutôt que sur le détail des licences octroyées. Nous pouvons néanmoins constater la part remarquable prise par le Rafale dans les exportations d'armements, ainsi que celle du nucléaire, des hélicoptères et des biens de cryptologie dans celles des biens à double usage. Surtout, à rebours des fantasmes, le premier bénéficiaire, en valeur, des exportations de biens à double usage, est le Royaume-Uni. L'Inde et l'Égypte sont les principaux clients en matière d'armements.
Les parlementaires que nous sommes, dans la diversité de nos sensibilités, sont particulièrement sensibles au fait que le Gouvernement ait accepté de faire évoluer le cadre de l'information du Parlement sur ces sujets et facilité la tenue de la présente audition.
J'adresserai aux ministres trois questions.
Que représente, en volume et en valeur, le soutien en équipements aux forces armées ukrainiennes depuis le début de l'année ?
D'après le rapport sur l'exportation des biens à double usage, la France a notifié 125 refus de licences d'exportation en 2021 ; pouvez-vous en préciser les motifs et les pays concernés ?
Enfin, les États-Unis ont établi une liste, mise à jour annuellement, d'environ 1 200 entités étrangères vers lesquelles toute exportation, quel que soit le type de biens, doit faire l'objet d'un contrôle systématique. Est-il envisageable d'instaurer, sur le modèle américain, un contrôle par client s'agissant des exportations de biens à double usage, en publiant une liste d'entités soumises à un contrôle renforcé ?