La proposition de loi vise à renforcer la protection de la souveraineté nationale contre les ingérences étrangères, lesquelles peuvent prendre diverses formes et menacer nos intérêts politiques, militaires, économiques, scientifiques, culturels mais aussi, bien sûr, démocratiques. Ce texte est issu des travaux de la commission d'enquête sur les ingérences étrangères et reprend une partie des recommandations de la délégation parlementaire au renseignement pour proposer une série de mesures législatives afin de prévenir et de contrer ces ingérences.
L'article 1er crée un registre obligatoire des acteurs influant sur la vie politique française pour le compte d'une puissance étrangère. Géré par la HATVP (Haute Autorité pour la transparence de la vie publique), ce registre vise à mieux informer les responsables publics sur leurs interlocuteurs étrangers. Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect de l'obligation de déclaration. Il sera cependant nécessaire d'augmenter les moyens mis à disposition de la HATVP pour qu'elle soit en mesure de mener à bien sa mission.
L'article 2 dispose que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur les menaces dues aux ingérences étrangères pesant sur la sécurité nationale. Pour que ce rapport ait une utilité, il devra toutefois être débattu notamment au sein de la DPR et des commissions compétentes – de la défense et des lois.
L'article 3 élargit les finalités permettant aux services de renseignement d'utiliser la technique de l'algorithme. Actuellement limitée à la prévention du terrorisme, cette technique pourra désormais être utilisée pour contrer les ingérences étrangères. Elle permet, de façon réglementée, d'utiliser des processus automatisés pour repérer des activités en ligne pouvant indiquer une menace potentielle. Le groupe LR restera vigilant quant à cette technique de surveillance, bien qu'elle semble nécessaire pour faire face aux méthodes utilisées par certaines puissances étrangères, qui n'ont pas toujours les mêmes scrupules que nos démocraties.
L'article 4 élargit la procédure des gels d'avoirs, actuellement limitée à la lutte contre le terrorisme, pour inclure les ingérences étrangères. Cela permettra de geler les avoirs de toute personne ou entité se livrant à des actions nuisibles aux intérêts fondamentaux de la nation en lien avec une puissance étrangère. C'est évidemment une bonne mesure.
Ces propositions visent à poser des limites à des ingérences étrangères omniprésentes et protéiformes et à nous départir d'une certaine naïveté à l'égard de puissances comme la Russie, la Chine, ou l'Azerbaïdjan que l'on ne cite pas assez. Toutefois, malgré la richesse des travaux existant sur le sujet, les réponses semblent trop timides pour inverser une tendance déjà largement amorcée. Il est à craindre que cette proposition de loi ne soit qu'un moyen de la majorité présidentielle pour régler ses comptes politiques avec le Rassemblement national en vue des élections européennes, sans faire la preuve d'une réelle volonté de trouver des réponses adaptées aux ingérences étrangères.
En effet, si cet enjeu vous semble aussi majeur qu'aux députés Les Républicains, il convient de dresser ensemble le bilan du Président de la République, qui ne cesse depuis dix ans d'encourager ou de laisser faire le démembrement de l'appareil industriel stratégique français au profit d'acteurs étrangers. En 2014, la vente de la branche énergie d'Alstom, rachetée par l'Américain General Electric (GE), a été autorisée et pilotée par Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie. En 2022, ce même Emmanuel Macron, soudain converti au souverainisme, a annoncé dans son discours de Belfort le rachat par EDF à GE des turbines Arabelle, essentielles pour la relance d'un programme de construction de centrales nucléaires en France. Et en 2015, Emmanuel Macron a défendu le rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia, en écartant toute « vision romantique » vis-à-vis des grandes entreprises françaises. Dernier exemple en date : le projet de cession des activités d'infogérance du groupe Atos au milliardaire tchèque Daniel Křetínský, qui n'a pas suscité de réactions politiques au sein de la majorité.
En somme, pour prévenir les ingérences étrangères, la France devrait d'abord protéger beaucoup plus fermement ses actifs stratégiques. Le groupe LR estime par ailleurs que les mesures proposées sont trop timides pour être pleinement efficaces, même si nous sommes conscients que certaines sont du domaine réglementaire. Mais la lutte contre les ingérences étrangères est un sujet majeur, nécessitant une approche globale et forte sur le long terme. C'est pourquoi le groupe LR soutiendra ce texte, malgré ses lacunes, car il permettra tout de même de régler une partie des problèmes.