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Intervention de Philippe Pradal

Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Pradal :

Si nous pouvons regretter le désaccord, d'ailleurs prévisible, avec nos collègues du Sénat en CMP, le retour du projet de loi devant notre commission me donne l'occasion d'affirmer à nouveau la position du groupe Horizons et apparentés en faveur d'un texte complet, barrant fermement la route aux dérives sectaires et prenant en compte leurs nouveaux aspects, leurs nouveaux instigateurs et leurs nouveaux modes de diffusion.

Comme législateur, nous devons toujours avoir la main qui tremble en abordant des sujets aussi sensibles que les croyances et la liberté d'expression. Il nous faut pourtant jouer notre rôle politique, en particulier à cette étape du parcours législatif. En séance publique, j'avais cité cette phrase de Voltaire : « Toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l'erreur. » Voici ma position : ne pas être dans le doute et nous garder d'une erreur qui consisterait à nous éloigner de l'intention initiale de ce projet de loi.

La lutte contre les dérives sectaires répond à des enjeux de cohésion sociale, mais aussi de santé et d'ordre publics. Ces dérives constituent un dévoiement de la liberté de penser, d'opinion ou de croyance, et portent atteinte à l'ordre public, aux droits fondamentaux, à la sécurité et à l'intégrité des personnes. S'il est quelquefois difficile de détecter et de qualifier ces dévoiements, la liberté de conscience et de pensée étant au cœur de nos valeurs fondamentales, une frontière est systématiquement franchie lorsqu'on parle de dérives sectaires, qui ont pour leurs victimes des conséquences physiques ou psychologiques graves.

La loi About-Picard du 12 juin 2001 a renforcé notre arsenal législatif, en réprimant notamment l'abus de faiblesse par sujétion psychologique. Mais nous savons que les dérives sectaires ont profondément changé : aux groupes à prétentions religieuses ou spirituelles se sont ajoutées de multiples entités, investissant les champs de la santé, de l'alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation. Des gourous 2.0 autoproclamés diffusent désormais leurs doctrines sur des plateformes numériques et fédèrent de véritables communautés autour d'eux.

En entraînant une crise de confiance en la parole scientifique et médicale, la crise sanitaire a constitué un catalyseur pour ces dérives, dont la nature, les modes opératoires et l'ampleur sont préoccupantes. L'augmentation constante du nombre des saisines de la Miviludes en témoigne. Nous devons mieux prendre en compte l'évolution des techniques employées. Ne soyons pas dupes : les gourous se savent protégés par les lois visant à garantir la liberté d'expression. Ils utilisent la défiance des Français à l'égard des institutions et des représentants, politiques notamment, pour instiller le doute chez ceux qui les écoutent et affermir leur propre influence.

Nous nous réjouissons donc que l'examen du texte par notre assemblée ait permis la réintégration de l'article 4, qui vise à répondre à un problème de santé publique aussi nouveau que dangereux en créant un délit de provocation à l'abandon ou l'abstention de soins et à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé.

En première lecture, nous nous sommes employés à tenir compte des remarques du Conseil d'État afin d'aboutir à une rédaction équilibrée de cet article. Nous restons néanmoins particulièrement attentifs à sa sécurisation juridique. Pour limiter le risque d'inconstitutionnalité et préserver la liberté de conscience, il est primordial de préciser que l'infraction de provocation à l'abandon de soins ne serait pas constituée dès lors que la personne concernée aurait pu exprimer une volonté libre et éclairée de remplacer un traitement par un autre, alors même qu'elle était consciente des risques que cela entraînait. Nous soutiendrons une amélioration du texte en ce sens lors de nos débats.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ce projet de loi.

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