Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 12 mars 2024 à 21h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Constaterait-on, monsieur Molac, un afflux de personnes venant en nombre en Nouvelle-Calédonie que l'on ne pourrait pas évoquer un grand remplacement. La République est universelle ; elle ne distingue ni la couleur de peau, ni l'origine. La question est celle du respect de cultures. Sur ce point, on ne peut discuter que le congrès de Nouvelle-Calédonie lui-même est favorable au report de ces élections, alors même, vous l'avez dit, qu'il est gouverné par des indépendantistes. Le monde est moins binaire que ce que vous avez bien voulu présenter.

Les trois référendums, qui ont été prévus il y a vingt ans, se sont déroulés durant le quinquennat du président Macron – le seul à avoir eu le courage de les organiser. Le premier a été déclenché par l'État français, mais le troisième a été demandé et voté par les indépendantistes au congrès ; il n'a pas été accéléré par le Gouvernement avant l'élection présidentielle pour des raisons démographiques, comme j'ai pu l'entendre de la part du groupe GDR. Sur la contestation et le boycott auxquels il a donné lieu par la suite, le droit a tranché : le Conseil d'État, les instances internationales ont entériné le référendum ; l'ONU n'a pas invalidé le troisième référendum, alors qu'elle a été maintes fois sollicitée.

Les maires indépendantistes, qui sont majoritaires en Nouvelle-Calédonie, ont organisé ce référendum et une partie des indépendantistes, et pas des moindres, ont voté. Paul Néaoutyine, président de la province Nord, où les indépendantistes sont le plus représentés, a voté.

Le boycott et les raisons qui y ont poussé, on pourrait en parler longtemps. En tout cas, la demande de report du fait du covid a été suspendue quelques jours avant le premier tour des élections législatives, quand Nicolas Metzdorf risquait peut-être le plus de ne pas être élu.

Les indépendantistes eux-mêmes n'utilisent plus l'argument du troisième référendum ; ils ne le contestent plus, et aucun pays n'a porté ce dossier devant l'ONU, bien que la France y connaisse quelques ennemis. Certains ont même été sollicités par des partis politiques. L'Azerbaïdjan, par exemple, connu pour être un grand pays démocratique, pas du tout colonial et qui n'exploite pas les populations adverses, l'a été, tant d'ailleurs au sujet de la Nouvelle-Calédonie que de la Corse – on a les amis que l'on fréquente habituellement.

La contestation des trois référendums est une insulte au vote des Calédoniens qui ont voulu rester Français, et l'argument des Nations unies ne tient pas. Depuis que je suis ministre chargé des outre-mer, j'ai l'honneur de représenter la France au Comité spécial de la décolonisation des Vingt-quatre (C24). Parmi les cinq pays ayant des territoires à décoloniser – la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française pour la France –, nous sommes le seul à nous expliquer devant ce comité, qui a d'ailleurs vécu un moment étonnant quand la France a exposé devant le rapporteur syrien l'égalité des droits entre les citoyens en Nouvelle-Calédonie, le référendum d'autodétermination, et les institutions dans lesquelles les indépendantistes ont des responsabilités politiques. Pour mémoire, la Nouvelle-Calédonie est gouvernée par un indépendantiste, comme deux provinces sur trois – on peut difficilement l'expliquer comme un fait colonial.

Nous indiquons aussi au C24 que les modalités d'autodétermination restent à définir. L'autodétermination figure toujours dans notre Constitution. De nombreux territoires ultramarins ou « communautés », comme le général de Gaulle les définissait, ont choisi l'indépendance. Cela n'a pas été le cas de la Nouvelle-Calédonie dans ces référendums organisés. Les indépendantistes sont respectés et reconnus, y compris au niveau international, par le C24 et les Nations unies. Il n'y a pas d'iniquité des droits. La Constitution française reconnaît même la citoyenneté calédonienne et un blocage du corps électoral.

Vous ne l'avez pas dit, mais le C24 a d'ailleurs félicité la France de son travail en matière d'audit de décolonisation, d'égalité des droits des citoyens et de vote pour choisir si le territoire veut rester français. À trois reprises, la Nouvelle-Calédonie a choisi de rester française. Faut-il poser la question chaque année pour qu'elle vous agrée, car vous n'avez manifestement pas envie qu'elle reste française ?

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