On aurait tort de réduire la défiance envers les élus à la question du cumul des mandats. Cependant, le postulat de 2014, qui consistait à interdire ce cumul pour tenter, paradoxalement, de rapprocher les élus de leurs concitoyens en les éloignant, ne s'est pas vérifié : le Parlement ne légifère pas mieux depuis 2014. Il ne faut pas confondre l'inflation législative que nous connaissons avec la qualité législative. Nous ne nous organisons d'ailleurs pas mieux, puisque les ordres du jour sont, pour une grande partie, fixés par le Gouvernement, et nous voyons bien ce qu'il advient des textes que nous attendons comme Godot – lequel, à la fin de la pièce, ne vient pas. Or nous n'avons pas d'autres possibilités de nous organiser.
Le non-cumul est donc une façon de couper réellement certains députés de leur territoire. Je crains d'ailleurs que, demain, si un scrutin de liste à la proportionnelle s'appliquait dans un cadre départemental, les élus soient encore plus coupés de leur territoire car, si nous votons la loi, contrôlons l'action du Gouvernement et évaluons les politiques publiques, nous représentons aussi les citoyens et un territoire, ce qui suppose un ancrage dans celui-ci, et qui n'est pas incompatible avec le rôle de députés de la nation – sans quoi il suffirait d'une seule circonscription nationale, avec une liste d'apparatchiks coupés de la nation. On voit ce que cela donne avec les élections européennes.
La solution à la difficulté de relation entre les citoyens et leurs élus ne réside pas seulement dans le non-cumul des mandats, car cette défiance est un mal plus profond, mais le retour à une forme d'équilibre en la matière irait dans le bon sens. Tous ceux ici qui ont été maires – pour ma part, je l'ai été pendant vingt-deux ans – ou qui ont exercé des mandats exécutifs savent combien cela peut être utile pour le bon accomplissement de leur mandat de député. C'est une manière de mutualiser et de servir l'intérêt général.