Nous nous interrogeons souvent, notamment en commission des lois, sur les solutions à apporter à la crise démocratique, afin de revitaliser le système politique, devenu fragile, qui éloigne de plus en plus les citoyens des urnes. Tel était le sens de la loi organique de 2014, qui a mis fin au cumul des mandats. Dix ans après son vote, elle a toutefois du plomb dans l'aile. La seule question qui vaille aujourd'hui est celle du rôle que nous voulons donner au Parlement. Nous pouvons au moins nous accorder pour refuser qu'il soit une institution qui décline.
La réforme entrée en vigueur il y a sept ans n'a pas amélioré le fonctionnement de nos institutions. D'abord, la distance des citoyens envers les parlementaires – pour ne pas dire leur méfiance voire leur défiance – n'a pas disparu. Elle s'est même aggravée : les Français portent un regard peu amène sur nous et nos amis du Sénat. Le pourcentage d'opinions favorables aux parlementaires est de 30 %, soit deux fois moins que les maires.
Cela ne signifie pas, comme on l'entend parfois, que tous les parlementaires sont des élus hors-sol, déconnectés. Cette critique est permanente, avec ou sans cumul. Mais les élus locaux ne se confient pas toujours à leurs parlementaires, qu'ils perçoivent comme éloignés de leur territoire, selon le fantasme du législateur parisien. Parfois même, ils leur manifestent une hostilité de principe pour des raisons partisanes ou d'étiquette. Tout cela n'est pas de nature à favoriser l'implantation locale. Pour compenser cet état de fait, vous déposez souvent des amendements en vue de raccrocher les parlementaires au wagon local, par exemple en proposant qu'ils soient intégrés dans tel ou tel comité, conseil de surveillance ou organisation départementale. Cela n'est pas suffisant, car cela ne remplace pas les échanges directs que nous pouvons avoir avec les services de l'État ou avec les services publics locaux, ni le pouvoir décisionnaire de la fonction exécutive.
L'argument du manque de temps de travail ne tient pas : un mandat local et un mandat national se confondent pour partie. Ce qui remonte des administrés sert à mieux faire la loi, à appeler l'attention du Gouvernement et à construire des réponses plus adaptées. Ce n'est pas une question de temps, puisque l'on peut être député et avocat, enseignant ou chef d'entreprise. Si nous manquions de temps il faudrait interdire toute activité professionnelle aux parlementaires, ce que personne ne proposera car un métier est une manière d'être connecté aux réalités locales.
Si l'on voulait aller au bout du raisonnement, il faudrait un mandat unique : on interdirait aux maires d'être vice-président de conseil départemental ou régional. Là encore, personne ne le propose car ce cumul est une plus-value dans l'exercice de l'action publique.
De la même manière, nous considérons qu'exercer un mandat exécutif en étant parlementaire est une manière de garder les pieds sur terre. Nous sommes favorables à la liberté de choix de chacun. Nous constatons avec regret que cet antiparlementarisme ambiant a incité nombre de nos collègues à démissionner et à choisir entre le mandat national et le mandat local : nous perdons là en expérience utile.
La réorganisation d'une forme de cumul n'est pas dans l'air du temps. Nous l'assumons, pourtant. D'abord, parce que les Français y sont de moins en moins réfractaires. Ensuite car notre responsabilité est d'appeler l'attention sur tout ce qui peut améliorer la qualité de la loi, l'influence du Parlement et le poids de la représentation nationale face à l'exécutif. C'est ce que nous proposons ici, persuadés qu'il y a une place pour tout le monde, pour les élus comme pour la société civile. Tout le monde a voix au chapitre : c'est dans l'intérêt général.