Les lois de 1985, 2000 et 2014 ont quasiment réduit à néant les possibilités de cumuler un mandat national et local. Elles avaient pour objectif de donner plus d'efficacité au mandat parlementaire, en réduisant l'absentéisme, et d'améliorer la transparence de la vie politique. À l'époque, il nous avait été assuré que le cumul des mandats était responsable d'une grave crise de confiance entre les parlementaires et les citoyens. Dix ans plus tard, l'augmentation constante de l'abstention démontre que rien n'a été résolu, alors que les parlementaires hors-sol se sont multipliés. Pire, le député n'existe presque plus sur le terrain ; peu à peu, l'administration remplace les élus.
L'objectif de cette proposition de loi organique est de maintenir vivant le lien entre les Français et leurs élus, en prévoyant à nouveau la possibilité de cumuler un mandat national avec un mandat exécutif local, à l'exception des fonctions de maire et de président de conseil départemental et régional. Lutter contre la déconnexion des parlementaires doit tous nous préoccuper. Le sentiment d'abandon des territoires est particulièrement fort et légitime. La démocratie ne va pas mieux depuis la loi organique interdisant le cumul des mandats. Au contraire, celle-ci a participé à éloigner les élus des citoyens. Les grandes régions et les grands cantons ont accéléré le processus d'éloignement : plus on accroît la distance entre les élus et les citoyens, plus la confiance s'érode. On a opposé le local et le national en coupant les parlementaires de leur ancrage local. Lorsqu'on a été élu local, on a une vision moins désincarnée. Le critère essentiel doit rester l'efficacité de l'action publique. Depuis la loi Notre, le cumul des mandats n'est plus vertical : il est horizontal, et concerne des désignations internes aux conseils municipaux et départementaux ainsi qu'aux exécutifs intercommunaux.
Certaines personnalités cumulent un nombre important de fonctions et de mandats locaux, devenant de véritables barons. On peut ainsi être maire de Nice, cinquième ville de France, président de la métropole Nice Côte d'Azur, l'une des plus importantes de France et président délégué du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dans ma circonscription, le maire de Liévin est également vice-président de la communauté d'agglomération de Lens/Liévin et vice-président du conseil départemental du Pas-de-Calais, mais il n'est pas possible d'être député et adjoint au maire : quelle hypocrisie !
Tout en ne revenant pas sur l'interdiction pour un parlementaire de cumuler son mandat avec une fonction exécutive locale, la proposition de loi organique rend possible le cumul avec le mandat d'adjoint au maire. Un élu local comprend les réalités de terrain ; les électeurs doivent avoir la liberté de choisir en qui ils placent leur confiance. L'implantation locale et l'ancrage sur le terrain sont essentiels au bon fonctionnement démocratique afin de maintenir un lien fort dans le territoire.
Ce texte manque toutefois d'ambition : il ne contient rien sur la proportionnelle, pourtant promise à chaque élection présidentielle. Or il est évident que l'abstention et la défiance diminueront lorsque les Français auront le sentiment non seulement de connaître leurs élus mais, surtout, d'être représentés. Bien que cette proposition de loi organique n'entende pas non plus s'attaquer au cumul horizontal des mandats, donc au phénomène des barons locaux, elle va cependant dans le bon sens, en valorisant l'expérience locale des parlementaires au bénéfice de nos concitoyens.