Ce texte prétend renforcer l'ancrage territorial des parlementaires. Que celui-ci soit nécessaire mérite en soi un débat car, même si nous sommes élus dans des circonscriptions, nous représentons la nation tout entière. Les élus locaux sont suffisamment nombreux sans qu'on ait à en ajouter, d'autant que les députés n'ont aucun pouvoir sur les circonscriptions.
Même en acceptant ce postulat, le rétablissement du cumul des mandats est contre-productif : des élus surchargés de responsabilités et de travail devront renoncer à une partie de leurs fonctions. Nous sommes déjà continuellement amenés à choisir entre siéger en séance ou en commission, nous investir dans une mission d'information, une commission d'enquête, un groupe d'étude, un groupe d'amitié ou nous rendre dans nos circonscriptions.
Le cumul des mandats produit, de plus, une confusion démocratique. Je consacre 80 % de mes permanences parlementaires aux questions de logement, bien que le député n'ait aucun pouvoir ou aucune fonction directe dans ce domaine. Finalement, personne ne sait à quoi sert un député. Les chiffres de la participation aux élections législatives sont éloquents : ils baissent de législature en législature. Le peuple a bien compris que seule comptait l'élection présidentielle. Il n'est pas dupe de la sempiternelle rengaine consistant à donner une majorité au Président de la République.
Pourtant, la fin du cumul des mandats n'a pas apporté le renouveau démocratique auquel il prétendait. Changer une partie de notre Constitution a des effets pervers dans le cœur de la monarchie présidentielle. Aucun ajustement à la marge ne permettra d'en faire une démocratie digne de ce nom. La fin des députés cumulards a amené l'ère des députés Playmobil, élus selon la volonté du monarque républicain : ce fut la majorité godillot. Et même quand la majorité présidentielle est minoritaire, les textes fondamentaux sont adoptés sans aucun vote. Aucun budget n'a été voté ; pas plus que ne l'a été la réforme des retraites.
La fin du cumul des mandats n'a pas renforcé le Parlement, bien au contraire. En permettant l'élection de députés asservis au monarque et sans les moyens de leurs collectivités, il l'a transformé en sorte de théâtre de marionnettes, sans intérêt ni importance. Chacun le sait, rien ne se décide au Parlement. Le vote sur la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) lundi est une exception qui confirme la règle. Le monarque est tout-puissant, il n'a aucun contre-pouvoir. Tout le reste n'est que de l'agitation sans conséquence. Nous avons besoin de temps pour bien légiférer, au lieu du calendrier à marche forcée qu'on nous impose habituellement. Il est impossible de travailler les dossiers sérieusement dans ces conditions. Nous avons aussi besoin de moyens humains : avec nos équipes, qui comptent en général trois personnes, nous faisons pâle figure par rapport à de nombreux autres parlements, qui ne comprennent pas comment nous pouvons travailler ainsi. Comment développer un ancrage territorial quand certaines circonscriptions sont grandes comme un département ? Et vous vouliez réduire le nombre de députés, donc agrandir encore la taille des circonscriptions !
Nous avons besoin de moyens politiques, d'un Parlement qui exerce un véritable pouvoir, non d'un Parlement automate qui ne sert qu'à approuver les bons désirs du monarque. Aucun ajustement à la marge ne permettra de sortir de la monarchie présidentielle. Il faut refonder nos institutions de la cave au grenier. C'est pourquoi nous souhaitons une VIe République démocratique, écologique et sociale, qui soit décidée par le peuple et pour le peuple. Nous voulons la convocation d'une assemblée nationale constituante, qui proposerait une nouvelle Constitution, soumise à l'approbation du peuple, par référendum.
Par ce texte, vous voulez renforcer l'ancrage territorial. Vous ne feriez qu'ajouter confusion et éloignement démocratique. Nous voterons contre.