Par son titre, la proposition de loi organique visant à renforcer l'ancrage territorial des parlementaires nous paraît une excellente idée, et nous appelle à une action en ce sens. Notre approbation n'ira cependant pas plus loin que le titre car l'article unique réintroduit le cumul des mandats avec une fonction exécutive, ce qui constitue une régression. L'objectif est noble ; le moyen nous paraît insuffisant. Nous pouvons toutefois nous rejoindre sur des dispositions qui servent cet objectif unanimement partagé.
Le constitutionnaliste Guy Carcassonne l'a dit avec éloquence, « Le cumul des mandats est une plaie. » Cela tient à une évidence, connue depuis Goldoni : Arlequin ne peut pas servir deux maîtres, ou il les sert mal. Les intérêts peuvent s'affronter – notre société, fort heureusement, est désormais soucieuse des conflits d'intérêts. Avec le cumul, la lisibilité de l'action de chacun se trouve amoindrie voire impossible.
Nous avons déposé un amendement de suppression, ce que nous faisons rarement lors des niches. Le fait que le texte serait examiné intégralement en séance, même si cet amendement était adopté, a levé nos réserves.
Contrairement à ce que vous avez dit, la loi organique de 2014 a constitué une réelle avancée. Son dispositif, difficile à mettre en place, a été instauré dans le souci de la proximité et avec la volonté de mettre un terme à une forme de féodalité locale, celle du député-maire ou du sénateur-maire, qui faisait oublier le rôle du Parlement.
Je vous rejoins en revanche sur le fait que nous nous sommes arrêtés au milieu du chemin. Après le non-cumul des mandats, il fallait poursuivre en investissant davantage le rôle local du député, qui est un impensé juridique de notre Constitution. Celle-ci mentionne le rôle de représentants des collectivités territoriales des sénateurs, mais rien n'y est dit pour les députés. Sans aller jusqu'à une proposition de loi constitutionnelle, nous pourrions, peut-être, trouver des dispositifs permettant de clarifier ce rôle local du député, qui doit s'assurer de la façon dont les textes qu'il vote se concrétisent. C'est cela, la proximité, et nos concitoyens nous demandent d'éviter les textes déconnectés.
Aucun d'entre nous n'est pourtant déconnecté, car chacun, dans sa permanence, est en relation constante avec des citoyens, des associations, des maires, des collectivités territoriales, et nourrit sa réflexion de ce contact avec le terrain. Ce service pendulaire est si précieux qu'il semble difficile d'amarrer un député à un seul mandat local : il doit être au service de toute sa circonscription et de la nation.
Des perspectives existent, et je regrette que votre article unique se limite au cumul : vous auriez pu proposer des actions permettant au député d'asseoir son rôle local et d'être reconnu comme un interlocuteur qui, par son travail législatif, œuvre à la cohésion du territoire en s'assurant de la concrétisation, de la bonne application et de l'utilité des lois qu'il a votées. Mon groupe vous propose de travailler en ce sens.