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Intervention de Édouard Vieillefond

Réunion du lundi 26 février 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Édouard Vieillefond, directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR) :

Commençons par la cartographie, qui sera sans doute l'un des points essentiels du futur rapport sur l'assurabilité en France. Faut-il une cartographie ? Qui la fera ? À quoi serait-elle utile ? Actuellement, il existe des cartographies d'aléas et des cartographies de dommages. Il n'existe pas vraiment de cartographie de la présence des assureurs, autrement dit de la souscription, mais c'est envisageable. Pour ma part, je pense qu'il faudra élaborer une vraie cartographie des dommages et des aléas, afin de remédier au morcellement des plans de prévention des risques et des PPRI, et à l'imprécision de Géorisques. Mais le jour où cette cartographie précise de tous les aléas sera publiée, il faudra en avoir prévu les conséquences et être en mesure de proposer des solutions aux personnes concernées par les risques. Cette carte devenant en quelque sorte réglementaire, un peu comme un arrêté de catastrophe naturelle, tout le monde verra où se situe son bien immobilier et, le cas échéant, subira des conséquences économiques immédiates. À mon avis, il faudra quelques années pour élaborer cette cartographie réglementaire très fine, sorte d'extension des anciens PPRI, qui devra impérativement s'accompagner de solutions budgétaires et assurantielles.

Comment promouvoir l'assurance ? Il faut relativiser un peu l'importance de la culture dans le rapport à l'assurance : la débrouille peut être positive pour des dommages de faible ou de moyenne importance, mais elle ne peut répondre à des sinistres de grande ampleur, et encore moins aux vraies catastrophes de type Irma. Nos concitoyens doivent donc être conseillés et informés de ce genre de risques – celui de voir leur maison rasée. En effet, si certains assument sans difficulté les dommages de biens qu'ils n'ont pas assurés, d'autres, qui sont mal informés et mal assurés, peuvent se retrouver dans une situation dramatique. C'est pour ces gens, qui n'ont pas assuré une maison qui aurait dû l'être, qu'il faut une incitation beaucoup plus appuyée. Le phénomène commence à se développer sur le territoire national en cas de risque d'inondation, et il est encore plus net dans les départements et territoires d'outre-mer.

Il est un autre risque qui pèse sur le système : l'aléa moral. Il faut veiller à ce que l'octroi de fonds publics ne vienne pas perturber le régime des catastrophes naturelles. Un propriétaire peut en effet être dissuadé d'assurer sa maison et donc de bénéficier du régime Cat nat s'il fait le pari qu'il a de fortes chances de bénéficier d'un fonds ad hoc. Une compétition peut s'installer entre les mécanismes budgétaires et assurantiels. Il serait mieux de faire en sorte qu'ils se complètent, en intervenant dans des endroits différents, non qu'ils se cumulent.

Comment assurer des biens non assurables, notamment en bord de mer ? Dans tous les pays qui subissent de l'érosion côtière, on voit que la modulation tarifaire pratiquée par les assureurs n'est pas une solution : une modulation tarifaire délirante ou une absence d'assurance, c'est la même chose – sauf pour une frange très aisée de la population. Aux États-Unis, les médias font ainsi régulièrement état de gens qui ont perdu leur maison valant des millions, voire des dizaines de millions d'euros : ils n'étaient pas assurés, mais c'est leur problème. Ces cas extrêmes ne valent évidemment pas pour l'essentiel du territoire. Pour notre part, nous plaidons pour la délimitation de zones très restreintes où il ne sera plus possible d'assurer ses biens – le trait de côte, certains lits de rivières ou sites en montagne – afin de conserver un système d'assurance dans la plus grande partie possible du territoire national, y compris outre-mer. Pour conserver le système assurantiel sur la quasi-totalité du territoire, il faut accepter que de petites parties ne soient plus assurables, voire plus constructibles.

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