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Intervention de Édouard Vieillefond

Réunion du lundi 26 février 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Édouard Vieillefond, directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR) :

En matière d'assurabilité, on peut tracer deux frontières. La première sépare les risques assurables par le marché seul de ceux qui ne peuvent l'être qu'avec de l'aide et la garantie de l'État. La seconde, qui fait plus directement l'objet de votre question, délimite les aléas et les événements certains – la question n'étant plus si, mais quand ils vont se produire.

La première de ces frontières est assez malléable. Ainsi, des périls nouveaux relèvent à présent du régime Cat nat. J'ajoute que, dans d'autres domaines que les catastrophes naturelles, la CCR réassure également d'autres risques extrêmes comme le terrorisme ou la responsabilité civile des exploitants nucléaires. Pour s'en tenir aux catastrophes naturelles, la limite entre les risques tempêtes, grêle, neige (TGN) et les autres catastrophes est quasiment l'un des fondements historiques de l'assurance, les risques TGN revenant aux assureurs privés, les autres risques, tremblements de terre et inondations en particulier, à la CCR. Pour le moment, cette répartition semble bonne – encore une fois, nous n'avons pas à intervenir tant que le marché sait faire. Mais si une chute de grêle comparable à celle de 2022 – qui avait causé près de 6 milliards d'euros de dommages – se produisait à nouveau, tous les acteurs réviseraient leurs modèles et la question de l'introduction de ce péril au sein du régime Cat nat se poserait.

La deuxième frontière touche aux périls qui, devenus structurels, cessent d'être assurables, même avec l'intervention de la CCR. Le retrait du trait de côte est un exemple typique de ce qui ne constitue plus un risque, mais une réalité. Dès lors, le problème ne relève plus du régime Cat nat, il devient purement politique et budgétaire. Nous ne pouvons plus intervenir, et les assureurs en amont non plus.

Il me sera difficile de répondre à votre deuxième question, comme à une autre semblable du questionnaire que vous nous avez transmis, car nos données sont limitées. En revanche, je peux vous donner les chiffres de l'assurance primaire. En multirisque habitation (MRH), 97 % des ménages de l'Hexagone sont couverts. Dans les outre-mer, les pourcentages diffèrent considérablement. Ils semblent varier en fonction du PIB par habitant. La Réunion qui vient de voir passer le cyclone Belal, connaît un taux d'assurance MRH de 68 %, ce qui est correct, contre 62 % en Martinique, 59 % en Guadeloupe, 49 % en Guyane et 6 % à Mayotte.

La question centrale n'est donc pas tant celle des normes de constructibilité que celle du niveau de richesse locale, autrement dit de la capacité des personnes à faire construire des maisons ou des appartements suffisamment aux normes pour bénéficier d'une assurance. À ce propos, nous commençons à voir, y compris dans l'Hexagone, des cas de défaut d'assurance MRH, qui est une assurance obligatoire dont nous ne pensions pas que le taux de couverture baisserait sur le territoire métropolitain. C'est un début d'évolution très inquiétant lorsqu'on sait que, en matière d'assurance automobile, il existe une masse considérable de gens qui ne sont pas assurés au tiers – je ne parle là encore que d'assurances obligatoires. Bref, il ressort de tout cela un lien direct entre le pouvoir d'achat des Français et leur capacité à payer les primes d'une assurance, facultative ou même obligatoire.

S'agissant des assurances des collectivités locales, plusieurs travaux sont en cours et nous avons déjà eu quelques échanges avec leurs auteurs. Nous avons dit à vos collègues de la mission d'information du Sénat que le dialogue compétitif entre les collectivités locales et les assureurs semble être gêné, pour ne pas dire bloqué, par le fonctionnement des appels d'offres qui s'imposent à partir d'un certain seuil. Le code des marchés publics ne permet pas aux assureurs d'évaluer précisément ce qu'il y a à assurer, bien par bien, y compris les biens propres des communes. Or un assureur qui ne connaît pas le risque ajoute une surcouche tarifaire, ce qui est bien normal. Réciproquement, les communes ont rarement les moyens de conduire ce dialogue, de faire jouer la concurrence et de faire valoir leurs mesures de prévention et les réalités de leur territoire. Sans être un spécialiste du code des marchés publics, je pense qu'il est susceptible d'être amélioré sur ce point.

Seconde remarque, le marché souffre d'un défaut de concurrence. Techniquement déficitaire pendant des décennies, le marché des collectivités locales n'a pas attiré de nouveaux assureurs. Seuls certains acteurs déjà implantés sont parvenus à se maintenir, et les collectivités ont du mal à trouver de nouveaux interlocuteurs. Il faut donc revenir à une approche gagnant-gagnant : si les biens et les risques sont mieux connus des deux côtés, cela attire plus d'assureurs et la concurrence fait émerger un bon prix de marché. Ce qui nous ramène au thème de cette audition : moins il y a d'assureurs, plus il leur sera difficile d'assumer les coûts d'un événement exceptionnel ; un sinistre réparti entre une centaine d'assureurs, comme c'est le cas en général dans l'Hexagone, est plus aisément absorbé.

Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la quatrième question.

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